MYTHOLOGIE DES TEMPS MODERNES: LE BON SAUVAGE ET LE BON SAUVEUR - Le développement durable et l'économie de marché: Pensées et arrière-pensées

MYTHOLOGIE DES TEMPS MODERNES: LE BON SAUVAGE ET LE BON SAUVEUR

Le développement durable et l'économie de marché: Pensées et arrière-pensées

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La main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. Dès lors, les notions de partenariat, de coopération et de coresponsabilité sont à géométrie variable, selon le point d'observation.

C'est du moins le point de vue de Ngor Sène, paysan sérère de son état, enraciné dans son terroir et pétri de bon sens, au crépuscule de son existence.

Au-delà des grands principes fondateurs qui se drapent de vertu et du sens des responsabilités, le développement durable apparaît comme LE marché émergent, l'Eldorado des consultants et des grands penseurs de ce monde, passés maîtres dans la promotion des néologismes qui, comme un tube du Top 50, colonisent les esprits et créent des écrans de fumée.

Ainsi, nous avons tous adopté le «changement de paradigme» alors que nous n'avions même pas conscience d'en avoir déjà eu un, nous découvrons la résilience comme une nouveauté, alors qu'endurer la souffrance et se relever est l'essence même de la condition animale.

Et aujourd'hui, face aux funestes échéances de la planète, + 7 ° de moyenne en plus à la fin du siècle au lieu des + 4.8 ° prévu, les termes savants de biodiversité et de biosphère sur lesquels ergotents les experts renvoient tout simplement à une appellation compréhensible par tous: la nature.

Le monde continue d'être dirigé à travers des grands-messes telles que Davos et le G7 où les influenceurs de tous horizons se réunissent autour d'une seule équation: comment assurer la croissance à travers la consommation, seule à leurs yeux susceptible de garantir la pérennité de l'économie ?

L'Emploi et l'Environnement ne sont que des variables d'ajustement dont on ne se préoccupe qu'une fois la production et de la consommation assurées.

Il n'est donc pas étonnant que la planète aille si mal et que la génération montante, à l'image de Greta Thunberg, délivre des bonnets d'âne à l'ensemble de la classe politique du monde.

Car si les destinées de notre planète étaient confiées au bon sens de notre Ngor Sène et de ses congénères paysans, ils commenceraient par renverser la pyramide actuelle qui produit à tout va et provoque ensuite l'envie à travers une communication frénétique pour booster la consommation. Le monde du bon sens partirait des besoins réels, fabriquerait en tenant compte des réserves en ressources naturelles, s'attacherait à prolonger la durée de vie des biens et services en favorisant la réparation au détriment du remplacement, et communiquerait sur les bienfaits de ces économies d'échelle.

Pour ce faire, cinq mesures simples mais révolutionnaires:

1-Agroalimentaire:

Revoir les dates de péremption à la hausse, quitte à réduire les additifs chimiques. Un yaourt destiné au marché français se voit attribuer une date limite de consommation de 3 semaines quand il est écoulé en métropole, et 5 semaines quand est livré dans les DOM-TOM. Cette différence ne répond pas aux exigences sanitaires mais plutôt aux intérêts commerciaux de la branche professionnelle qui, sous prétexte de pousser au renouvellement rapide des stocks, incite les consommateurs à jeter des produits qui en réalité, ont encore une durée d'utilisation de 30% ;

2-Lampes à basse consommation, puis LED:

L'introduction des lampes à basse consommation a été controversée en raison de la contenance de produits polluants voire dangereux, tels que le mercure. Certains scientifiques ont fait le lien entre leur mise en service et la recrudescence de certains types de cancers tels que celui de la thyroïde. En réponse à la polémique naissante, les pouvoirs publics d'Europe ont appliqué le principe de précaution, en recommandant une distance minimale de 1 mètre entre la lampe et la personne qu'elle éclaire, et elles ont mis en place des bacs de récupération des ampoules usagées en vue de prévenir les casses accidentelles, puis de les recycler.

Aujourd'hui que les investissements ont été amortis et que la demande stagne, voilà qu'on reconnait implicitement le caractère délicat de ce type d'ampoule pour la santé et l'environnement, accompagné d'une forte recommandation de l'abandonner au profit des LED, qui se voient attribuer toutes les vertus… pour l'instant.

A croire que la préservation du cycle «Recherche et développement - Production - Amortissement - Remplacement» qui sous-tend la consommation mondiale est plus importante que la préservation de l'environnement et la santé des populations.

Le même constat peut être fait dans l'industrie pharmaceutique avec tous ces médicaments controversés tel le Médiator, que le législateur a mis des années à mettre hors circuit, le temps que le retour sur investissement soit assuré.

3-Electronique: obsolescence programmée  :

L'électronique est grosse consommatrice de produits polluants (plastique, donc pétrole), de métaux rares (zircon), sources de dégradation de l'environnement et d'exploitation humaine (travail forcé, travail des enfants, faible rémunération et pénibilité). Si l'utilité de ces technologies ne souffre d'aucune contestation, le choix de consommation pose problèmes, avec l'obsolescence programmée et la quasi-impossibilité de les réparer. Résultat: la durée de vie de tous ces appareils oscille entre 2 et 5 ans à l'issue desquels ils vont s'entasser dans des décharges où ils polluent. Le bon sens commande de pouvoir les réparer et prolonger leur durée de vie, ce qui aurait un impact positif sur la consommation de leurs composants, donc sur les ressources de la planète.

4-Téléphonie mobile:

La téléphonie mobile est le secteur émergent de l'heure avec une moyenne d'utilisation de 2 ans pour un appareil en Europe. Pas parce qu'il est obsolète, mais simplement parce que pour booster la consommation, l'industrie vous contraint à en changer. Pour ce faire, tous les moyens sont bons: promotion sur de nouveaux appareils, blocage des mises à jour sur votre ancien appareil, inflation sur les prix des pièces de rechange et réparations. Souvent, ces appareils connaissent une deuxième vie dans les pays du tiers-monde où ils sont boostés par les formules de puces prépayées grâce auxquelles au Sénégal, il y a presque autant d’appareils en service que d'habitants, alors qu’aucune stratégie n'a jamais été mise en place en place pour récupérer et recycler les produits toxiques qu'ils renferment (piles, métaux lourds),

5-Industrie pharmaceutique: pharmacopée, herbes et substances naturelles versus industrie pharmaceutique et brevets:

Le paradoxe de l'industrie du médicament est que, question de santé publique par excellence, elle est quasi exclusivement entre les mains de laboratoires privés qui au motif qu'ils ont soutenu la recherche et le développement et qu'ils ont acheté les brevets, en font une marchandise comme toute autre. Résultat, les gouvernements ont toutes les difficultés pour développer des politiques de santé opérationnelles et sous la pression des lobbies, ont renoncé à soigner, se bornant à maintenir les populations dans un état de morbidité opérationnelle qui leur permet de rester actives tout en restant dépendantes de leurs médicaments sous la forme de traitements préventifs (paludisme, grippe) ou longue durée (diabète, hypertension, VIH),

Ces laboratoires s'évertuent également à combattre toutes formes alternatives de traitements pour les maladies endémiques telles que l'Artemisia qui semble être une réponse valable au paludisme, mais que la médecine officielle s'interdit de reconnaître au risque de contrarier les intérêts des lobbies pharmaceutiques.

Pourtant en Afrique, en Asie notamment, la médecine traditionnelle réussit à assurer une espérance et un confort de vie dans des zones dépourvues de pharmacies, mais nous sommes conditionnés pour prendre ces éléments actifs sous forme de comprimés, de gélules ou d'injections plutôt que sous leur forme naturelle autrement plus efficace.

Résultat des courses, on surconsomme et si on n'a pas de sous, on crêve !

-Dispositif institutionnel:

Nos bons paysans finiraient par redonner un sens aux maux et aux mots, notamment en mettant au rebus le terme usurpé d'Economie.

Car comment peut-on oser appeler la gestion du monde «Economie» alors que tout tourne autour de la consommation et confine au gaspillage ? Et que dire de ces Ministres de l'Economie qui n'en font aucune, se limitant à dépenser un argent qu'ils n'ont pas ? Ministre de la Dépense ou Ministre de la Dette serait plus approprié.

Un Ministre de l'Economie digne de ce nom serait nommé pour étudier les voies et moyens de réduire l'impact de la spéculation sur les marchés financiers et optimiser la gestion des ressources afin de consommer moins et produire propre, il proposerait des mécanismes permettant de favoriser l'épargne et l'économie circulaire. En réduisant la production mondiale de 30% en matières premières, sources d'énergie et biens de consommation, le monde ne s'en porterait pas plus mal et les besoins de base seraient assouvis. Les seuls qui y trouvaient à redire sont les rares (1% ?) Qui ont plus que ce qu'ils peuvent consommer, et donc thésaurisent, ou gaspillent au lieu de redistribuer.

Le monde se trouve ainsi partagé en quatre catégories de délinquants, coupables de:

-Délit de perversité :

Ces dirigeants du monde qui font de la conquête puis de l'exercice du pouvoir une fin en soi, qui justifie les moyens,

-Délit de cupidité :

Ces champions de l'industrie, des services, de la finance et de la communication qui président aux destinées de l'économie de marché, incapables d'envisager l'évolution du monde autrement qu'en terme de surenchère. Même après avoir cédé la moitié de leur fortune, ils restent les plus riches du monde…

-Délit de complicité :

Tous ceux qui dans leur vie professionnelle et associative, alimentent les dérives de ce monde tout en feignant de les dénoncer, contre argent et illusion de réussite sociale,

-Délit de passivité :

Tous ces citoyens du monde exploités, opprimés, fragilisés mais qui dans l'adversité, ne savent pas comment fédérer leurs énergies pour constituer une alternative collective aux dérives de notre époque.

Apocalypse Now !

L'économie de marché se révèle un marché de dupes, un rapport de force entre le pot de terre et le pot de fer, une fable contemporaine du bon sauvage et du bon sauveur

Car dans ce monde en perdition, deux espèces cohabitent :

-Le bon sauvage:

Il a une destinée toute tracée : celle de subir et de s'accommoder des décisions prises par d'autres pour la satisfaction de leurs seuls intérêts. Le bon sauvage a des ressources naturelles dont il n'a aucune idée de la valeur et de l'intérêt, et qu'il se révèle bien incapable d'exploiter, il dispose d'un capital humain qu'il met volontiers au service de son prochain, même si celui-ci l'embarque dans des guerres prétendues mondiales qui ne sont pas les siennes, et enfin et surtout, il est né avec un cerveau simplifié, doté des seuls programmes fonctionnels, ce qui laisse la place pour y télécharger un système d'exploitation 2.0 avec langue, culture, éducation, formation professionnelle, et le logiciel de soumission qui va avec.

C'est du moins la perception qu'en a le bon sauveur, et qu'il a réussi à lui vendre à vil prix.

Et pour asseoir sa domination, ce bon sauveur s’emploie à sélectionner ses interlocuteurs parmi une élite africaine à l'image de la chèvre de Monsieur Seguin : docile, caressante, se laissant traire sans bouger, à qui il n'offre qu'une alternative: se soumettre à l'ordre mondial ou se démettre.

Pour le dirigeant africain, sans son mentor, point de salut, et celui qui s'aventure à vouloir s'affranchir est systématiquement mis en quarantaine, diabolisé, neutralisé, déposé, voire éliminé. En conséquence, ceux qui survivent, et qui durent, sont entourés d'une nuée de partenaires étrangers du genre de «ces amis qui vous veulent du bien», à condition qu'ils achètent leur technologie, leur expertise et leur réservent leurs marchés publics les plus juteux.

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-Le bon sauveur:

On pourrait l'appeler le berlinois, car l'ironie de l'histoire a fait de cette ville le centre de ses grandes décisions.

En effet, de la Conférence de Berlin de 1885 qui a défini les règles du dépeçage de l'Afrique par la colonisation, à la chute du mur de Berlin en 1989, qui a consacré la défaite du socialisme et l'avènement de l'économie de marché comme système de référence, l'occident a réussi la prouesse d'être le plus grand prédateur de l'univers, en soumettant les hommes, biodiversité et ressources minières à une exploitation effrénée, tout en se drapant du costume du garant des droits humains et de la protection de la nature.

Pour ce faire, il a élaboré de savantes théories pour légitimer sa main-mise sur les actifs du monde, notamment en affirmant que les peuples sous sa coupe l'étaient de leur plein gré, dans l'espoir d'être menés vers la civilisation et le progrès.

Enfin, il a développé tout un arsenal d'institutions de régulation telles que celles de l'ONU, le G7, le G 20, les sommets de Davos et autres rencontres où il se gargarise des richesses du monde, et y invite ses affidés au compte-goutte pour qu'ils puissent y ramasser quelques miettes du festin dont ils pourraient se glorifier auprès de leur opinion publique nationale.

Développement durable versus maintenance durable

L'économie du marché se drape du manteau de la vertu en invoquant la bonne gouvernance, l'éthique, la responsabilité sociétale des entreprises et le respect de l'environnement mais force est de reconnaître qu'en dépit des incantations, les gros scandales continuent dans une relative impunité (dieselgate de Volkswagen, scandale du Médiator, déchets toxiques exportés vers des pays pauvres), et 25 ans après la Conférence de Rio sur le climat et malgré la cascade de COP, aucune mesure contraignante n'a pu être prise en faveur de l'environnement. Les financements sont dispersés entre les institutions, les gouvernements, les experts et les entreprises, et la prévision d'augmentation de la température de la planète à la fin du siècle passe de 4,8 à 7 ° C. Cherchez l'erreur…

Pourtant à l’opposé, la dernière crise financière internationale a été enrayée en trois coups de cuillère à pot par les grands de ce monde, qui ont su prendre des mesures radicales, notamment en injectant massivement de l'argent public dans les secteurs financier, industriel et immobilier, ceux-là mêmes qui étaient à l'origine du désastre. A contrario, il est symptomatique de constater que les grandes conférences sur le climat n'aboutissent qu'à des compromis stériles, consensuels parce que à minima et non-contraignants, et dont les modalités d'application restent à l'entière discrétion d'un président américain ou chinois, au gré de ses intérêts du moment.

La dernière CP 25 tenue en décembre 2019 a battu tous les records d'inefficacité: 48 heures de dépassement de temps pour arriver à un communiqué final creux, reportant les décisions attendues… à la prochaine COP ! En attendant, l'empreinte carbone de cet attroupement stérile s'ajoute aux incendies de Californie et d'Australie, pour nous rappeler que le temps n'est plus notre allié.

Le développement durable apparaît comme un alibi de circonstance, le sujet brûlant sur lequel on peut mobiliser des financements pour la recherche et le développement, acheter des brevets, vendre de l'expertise, des équipements dans le cadre de la conduite du changement, et continuer à faire des affaires, drapé dans un nuage de bonnes intentions.

D'ailleurs, le vocable lui-même prête à confusion car selon les latitudes, il ne revêt pas le même contenu: 

-Pour les pays en quête d'émergence, le choix de développement se pose quant aux sources d'énergie, au recyclage des déchets, à l'optimisation des ressources naturelles et au développement du capital humain, pour des populations jeunes et un environnement encore attractif pour des investisseurs. Ces pays qui ont raté le train de la révolution industrielle ont engagé une course contre la montre pour attraper la révolution numérique avant qu'elle dépasse. Pour ceux-là, le développement durable est une approche politique cohérente qui leur permet de s'insérer dans le concert des nations.

A l'opposé, les pays industrialisés ont en commun des taux de croissance proches de zéro, une population vieillissante, un espace de vie surchargé et des réserves financières conséquentes, fruit d'une exploitation intensive des ressources du monde et un art consommé de la thésaurisation. Pour ceux-là, il s'agit plutôt de Maintenance Durable afin de pérenniser les acquis, notamment par les marchés financiers, et la capitalisation des ressources matérielles et humaines des pays en développement, mais également par l'immigration choisie telle qu'elle nous apparaît dans les domaines du sport, des arts, du BTP, du tourisme de l'agroindustrie.

Le développement durable présuppose une attitude bienveillante des parties prenantes faite d'empathie, de solidarité et de responsabilité partagée. La condition du succès est le rééquilibrage de la distribution des richesses par le développement économique local et la gestion des ressources dans un souci d'économie et de justice sociale. Cette approche doit impacter les politiques nationales et internationales, notamment la coopération entre les pays développés et les pays en développement qui jusqu'à présent, a été marquée par un déséquilibre structurel imposé, qui est la source de tous les maux de la terre: traite négrière, colonisation, détérioration des termes de l'échange, accords de partenariat économique, zones de libre-échange.

Toutes ces étapes ont été marquées du sceau de la volonté du plus fort qui chacun sait, est toujours la meilleure.

Le premier engagement sociétal des multinationales ne devrait-il pas être de payer l'impôt sur les sociétés au taux normal dans les pays où elles sont implantées ? Ainsi, elles participeraient à leur juste niveau au développement local, au lieu de négocier des exonérations, le rapatriement des bénéfices, et de pratiquer l'optimisation fiscale.

Sauf que le développement durable a introduit l'idée du dialogue parties prenantes, qui a l'ambition d'être plus inclusif, équitable et consensuel. Nous tenons là un vrai défi car dans la forme comme dans l'esprit, ce dialogue doit aboutir à un rééquilibrage des forces par un système de vases communicants, avec un renoncement des nantis à une partie de leurs privilèges, ce qui se traduirait par un appauvrissement et une perte d'influence, et du côté des pays émergents, par une gestion vertueuse et responsable des ressources et du produit de la croissance.

Une forme de communisme version économie de marché.

Et c'est dans ce cadre que la RSE, Responsabilité sociétale des entreprises présente une alternative intéressante, pour autant qu'elle évolue dans un environnement propice à l'exercice d'une démarche par l'entreprise

Mais ce concept de RSE / Développement durable n'est-il pas source de confusion volontaire - “Au-delà de la loi” ?

Conçue par des idéalistes qui ont réussi à se persuader que l'altruisme et l'équité mènent le monde, la RSE est arrivée dans le jeu comme la nouvelle justice sociale, menée par une entreprise responsable qui comme le colibri, ferait sa part sans esprit de retour.

Certains se souviennent que le marxisme léninisme s'est en son temps présenté au monde comme la solution universelle en prônant les mêmes valeurs.

C'était en oubliant que la nature profonde de l'homme et de l'entreprise qu'il a créée, c'est la volonté de puissance et l'accumulation de richesses, à qui la RSE a donné un paravent de bonnes intentions qui ont été détournées de leur objectif par des experts en communication, au point qu'à l'arrivée, on en retient surtout de belles formules ronflantes que chacune des parties concernées a su accommoder selon son angle de vue, cacophonie garantie.

Les pouvoirs publics et autorités locales y voient un moyen de drainage des capitaux pour financer leur politique, les travailleurs espèrent par ce biais avoir une base de dialogue social équitable, les ONG et la société civile espèrent co-gérer l'entreprise sans avoir à entrer dans le capital ni s'astreindre à la production, et les populations attendent une amélioration de la qualité de service et de la relation clientèle.

Et lorsqu’on met les entreprises devant leurs incohérences et leur inconséquence, la réponse fournie par les dirigeants est invariablement: «nous sommes dans un processus d'amélioration continue, il faut nous laisser le temps de parfaire le système».

Le monde ne s'est pas fait en un jour.

Pendant ce temps, la dégradation de l'environnement et les bénéfices sont immédiats et irréversibles.

C'est ainsi qu'on a vu pulluler des entreprises prétendument socialement engagées qui ont saturé les médias et les réseaux sociaux d'actions de bonne volonté spectaculaires, qui n’avaient d’autre vocation que de donner plus de respectabilité aux moyens par lesquels elles faisaient toujours plus de bénéfices pour satisfaire leurs actionnaires et gratifier les employés auteurs de ces exploits.

Dans cette cacophonie, chacun a voulu voir midi à sa porte : l'entreprise s'est mise à écrire sa propre légende en utilisant tous les supports de promotion disponibles : actions de terrain, presse classique et en ligne, réseaux sociaux, ce qui a fini par créer la suspicion au sein des travailleurs, des pouvoirs publics, de la société civile et des ONG qui, invités dans un espace de dialogue taillé sur mesure par cette entreprise, n'acceptent de se prêter au jeu que dans l'optique d'en tirer un profit immédiat et souvent éphémère. La RSE s'est finalement résumée au mécénat et à l'engagement communautaire, perdant par-là cette notion de développement durable qui pourtant en constituait l'ADN.

Il aura fallu l'instauration des Objectifs du Développement Durable - ODD - pour enfin avoir une base d'évaluation mesurable et sélective qui a mis l'église au milieu du village. Finies les incantations, les professions de foi et les annonces gratuites : l'engagement sociétal de l'entreprise doit à présent se mesurer à l'aune de l'impact vérifié sur les 17 ODD, ce qui contraint les mystificateurs à ravaler leur discours pour laisser la place aux faits.

A ce jour, les avancées les plus significatives en RSE ne sont pas le fait du volontarisme des chefs d'entreprises, mais la conséquence d'un environnement juridique et fiscal de plus en plus contraignant, faisant rendre gorge pour les infractions constatées, ce qui nécessite une veille efficace de la part des lanceurs d'alertes.

Communiquer: Le sens des mots, l'indécence des idées

Avec Internet et les réseaux sociaux, nous sommes entrés de plain-pied dans la civilisation de l'expression frénétique où la vitesse de réaction prime sur la profondeur de la réflexion. Résultat, la communication véhicule des émotions plutôt que des analyses, ce qui rend le citoyen plus fragile, parce que perméable à toutes formes de conditionnements, voire de manipulations.

Aujourd'hui, il est aisé de faire passer des projets virtuels pour des réalisations concrètes, en utilisant des éléments de langages et des supports audiovisuels en images de synthèse pour marquer les opinions publiques. Le temps de comprendre, les électeurs ont déjà donné leur voix aux marchands de rêves, qu'ils sanctionneront au scrutin suivant sans états d'âmes, pour miser sur un autre prestidigitateur du même acabit.

Il est temps de revenir à la raison, au temps de la concertation, de la réflexion qui précède l'action, sous peine de compromettre l'avenir du monde.

Commun… niquer

La nature a doté l'homme de la parole pour masquer ses pensées. L'homme, par son intelligence, y a ajouté l'écriture et l'audiovisuel pour brouiller encore plus les pistes.

Comme il est friand de concepts, il a appelé tout cet arsenal la «communication», qui a donné le verbe générique «communiquer».

Communiquer, étymologiquement composé de deux mots: commun et niquer, signifie en langage trivial… niquer ensemble.

Par conséquent, une communication réussie suppose que chacun des protagonistes prenne en compte les aspirations légitimes de son partenaire et agisse en osmose de sorte qu'à la fin du jour, chacun y trouve satisfaction.

Dès lors que ce rapport est asymétrique, qu'une des parties monopolise l'affaire et reste sourde aux désirs de l’autre, se focalisant exclusivement sur l'image qu'elle a d'elle-même, on bascule dans le plaisir solitaire, narcissique assimilable à la masturbation.

A l'inverse, une publicité tapageuse, mensongère assénée à son public cible de manière frénétique confine au harcèlement, et si au final, de guerre lasse, la victime cède sous la pression et se soumet à la volonté de son bourreau, alors nous sommes là en présence d'un viol.

«Balance ton porc» pourrait bien être la prochaine étape de la guerre de communication déclenchée par l'entreprise narcissique, et fort du facteur amplificateur des réseaux sociaux, nouveau baromètre de référence, la réaction de l'opinion publique pourrait bien être disproportionnée par rapport à l'agression subie.

Qu'on se le dise!

Gauchiste contrarié,

Altermondialiste frustré.