Black Lives Matter : déconstruire les mécanismes du racisme

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Le racisme s’est nourri au fil de l’histoire de l’ignorance, de la cupidité et de la lâcheté des sociétés humaines. Qu’il soit inconscient ou assumé, il est le produit d’une construction intellectuelle complexe qui impacte chacun d’entre nous. Bourreau ou victime, on est tous concernés.

L’affaire George Floyd aura eu le mérite de faire resurgir toute une documentation enfouie dans les poubelles de l’histoire, qui donne enfin la parole aux sans-voix, et permet de prendre la mesure de ce fléau, dans sa complexité, sa diversité.

Si les noirs font figure de peuple martyr, concentrant sur eux le rejet des autres peuples (occidentaux, arabes et asiatiques), ils ne sont pas pour autant exempts de reproches et à l’abri de ces travers car ils ont souvent participé activement au racisme systémique dans le rôle du “nègre de service”, et comble de misère, nombre de témoignages rapportant des actes à caractère racistes sont perpétrés quotidiennement contre … des noirs. On appelle cela pudiquement xénophobie, communautarisme, complexe de l’uniforme ou de la blouse, abus de pouvoir ou … lutte des classes.

Les fondements du racisme sont à rechercher dans l’histoire, l’économie, la philosophie, et si l’on peut légitimement s’indigner des manifestations de racisme, les éradiquer nécessitera un travail d’information, d’éducation et un dialogue entre les protagonistes afin de rétablir la vérité historique et la justice.

Tous les peuples, chacun à son niveau, ont contribué à l’évolution de l’humanité. Vouloir le nier ou établir une hiérarchie est en soi un acte fondateur du racisme.

Liens utiles pour comprendre le phénomène:

Le tabou de la traite négrière arabe :

Kakou Ernest TIGORI - Prix Mandela de littérature 2017 : l’Afrique à désintoxiquer :

Etre noir au Liban : un combat quotidien contre le racisme :

Arte - Aux sources européennes du racisme :

TV5 : Juliette Esmeralda : la couleur des pharaons :

Cheikh Anta Diop : en finir avec le complexe du colonisé :  

France 2 : Pascal Blanchard - historien: Le racisme inconscient et les stéréotypes :

Le berceau humain: les origines négro-africaines de l'Egypte antique - version française : 

AJ+ - Carte à fric : qui a traçé les frontières des Etats africains ?

Général Alexandre Dumas, le héros noir oublié :

La Charte du Mandé : 1ère déclaration des Droits de l'Homme de l'histoire :

Interview Alain Mabankou sur TV5 : 

Pascal Blanchard, historien : l'histoire coloniale de la France n'est toujours pas assumée :

Pascal Blanchard, historien : Celui qui naît avec une couleur a un destin :

Lisapo Ya Kama - Le projet de Cheikh Anta Diop pour l'Afrique:

TV5 : Les noirs en France du 18e siècle à nos jours :

Chasselay 1940 : tirailleurs sénégalais massacrés par les nazis :

Le racisme envers les gitans :

La théorie complotiste d’Eric Zemmour sur les Verts et l’Islam vaut le détour(nement) :

La colonisation en Afrique : résumé sur carte :

La Conférence de Berlin 1885 sur le partage de l’Afrique :

Arte : l’Islam n’a pas aboli l’esclavage :

“Strange fruit” de Billie Holiday : un hymne antiraciste :

L’indépendance sanglante de Madagascar :

Discours du Premier Ministre Patrice Lumumba lors de la proclamation de l’indépendance du Congo :

Arundhati Roy : Le racisme indien envers les noirs est presque pire que celui des blancs :

RTBF - Congo belge : la stigmatisation des enfants métis :

Le racisme anti-blanc existe t-il ?

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Cheikh Anta Diop : en finir avec le complexe du colonisé

“Le complexe de l’africain est très très très profond: il préfère croire le mensonge dans la bouche d’un blanc que la vérité dans la bouche d’un noir”

Extraits d’une conférence à l’université de Niamey, où un étudiant l’interrogeait sur le moment où ses thèses seraient reconnues ?

Cliquer sur la vignette pour voir la vidéo.

COVID'RESILIENT : La réponse sénégalaise !

Sursaut national face au coronavirus: Gouvernement, secteur privé, milieux académiques, société civile et populations se sont érigés en coalition pour démentir la catastrophe annoncée. Il y aura un avant et un après-Covid-19. C’est écrit !

Accédez en un click à : -La plaquette de présentation de la coalition Daancovid-19 ; -L’étude du CNP sur l’impact et la gestion du Covid-19 dans les entreprises sénégalaises ; -Les interviews audio des responsables de la coalition Daancovid-19 ; -Les mesures fiscales proposées par l’Ordre National des Experts du Sénégal - ONES.

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Plaquette de présentation en un click

Plaquette de présentation en un click

CNP l'oeil ouvert Covid19 mai 2020.jpg

Impact et gestion du Covid-19 dans les entreprises du Conseil National du Patronat - CNP

Premières conséquences économiques, sociales et financières de la crise sanitaire Covid-19 dans les entreprises du Cnp

Mesures urgentes d’accompagnement et de soutien aux entreprises souhaitées par le Cnp

Contributions des groupements professionnels et entreprises du Cnp à la solidarité nationale

Vision du Cnp sur les perspectives de relance économique

Guide du Cnp pour la prévention et la gestion sanitaires du Covid-19 en milieu professionnel

Articles du Code du Travail relatifs aux procédures de chômage technique et de modification du contrat de travail

Mesures fiscales et financières du Programme de résilience économique et sociale

Dispositif financier de soutien de l’activité économique de la Bceao

Dispositif de report et de suspension d’échéances de crédit de l’Apbef

Daancovid-19 : Les clés de la résilience (audio)

Daancovid-19 : Les clés de la résilience (audio)

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daancovid19 antoine ngom - co-président - mai 2020
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daancovid19 cheikh tidiane seck -coordonnateur - mai 2020
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Le Conseil National du Patronat - CNP a diffusé le 17 mai 2020 sur Radio Sénégal International - RSI 92.5 FM son émission radiophonique "l'Entreprise Citoyenne", produite en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer. Elle était consacrée aux réponses du Numérique à l’impact économique et sanitaire du Covid 19, Avec les interventions de : M. Antoine NGOM – Président d’OPTIC – Co-Président de Daancovid19, M. Mouhamed Tidiane SECK - Coordonnateur Technique Daancovid19, M. Abdoukhadre DIAGNE - Représentant du sous-comité Gestion - Pilotage et Aide à la Décision, M. Ibrahima Nour Eddine DIAGNE – Coordonnateur du sous-comité Solutions Digitales, M. Mamoudou NIANE – Coordonnateur du sous-comité Juridique, M. Mohamed Moustapha DIOUF - Représentant du sous-comité Analyse - Recherche – Suivi, Mme Carine VAVASSEUR - Coordinatrice assistante du sous-comité Communication.

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« Il n’y a pas de hasard, que des rendez-vous »

En Chine, il y a deux options pour traduire le mot « crise » : danger, et opportunité.

Et si la pandémie est partie de l’Empire du Milieu, ce n’est peut-être pas une coïncidence mais l’illustration que cette menace était un défi à relever, une expérience à surmonter qui aujourd’hui se révèle une opportunité pour les chinois de se redéployer à l’échelle planétaire comme des experts de cette pandémie, ce qui par ricochet, légitime leur posture de centre de gravité du monde de demain.

En effet, ce pays est devenu le point de convergence de la production industrielle en pièces détachées, produits finis et prestations de services au point que tout ce qui l’affecte positivement et négativement a des répercussions sur l’ensemble de l’économie mondiale. Pour le Covid 19, c’était définitivement « the place to be », la rampe de lancement pour passer à la postérité comme une pandémie parmi les plus glorieuses.

Il y a dans l’histoire du monde des grandes étapes, marquées chacune par de grands cataclysmes qui ont provoqué des ruptures, comme le big bang créateur de l’univers, la fin des dinosaures provoquée par la chute d’une météorite sur la terre, les grandes glaciations et éruptions solaires qui sont le fait de la nature, les différentes guerres, épidémies et crises politiques provoquées par les hommes, et au plan de la mythologie religieuse, des phénomènes tels que le déluge qui ont permis de rebattre les cartes chaque fois que la planète s’est trouvée dans une impasse.

Dire que le monde d’aujourdhui est arrivé au bout de ses incohérences est un euphémisme : il n’a jamais disposé d’autant de moyens et n’a jamais autant mis sa survie en péril. La faute à une pénurie des valeurs, une surexploitation des ressources et une redistribution calamiteuse des richesses qui ont exacerbé la lutte des classes en verrouillant toute solution de sortie de crise.

Les seuls exutoires proposés face à ce désespoir sont les migrations et la radicalisation religieuse.

Hasard ou coïncidence, le point culminant a été atteint avec la succession de COP stériles où les décideurs et influenceurs de ce monde convergent périodiquement au mépris de leur empreinte carbone, tirent la sonnette d’alarme sur l’urgence de réguler le dérèglement climatique puis se quittent en remettant la prise de décision… à la prochaine COP.

Dans ce marasme complet où la raison et le bon sens ont capitulé face aux intérêts partisans, « Make America Great Again », il n’est plus possible de compter sur le sens des responsabilités des hommes pour trouver des solutions durables aux problèmes qu’ils ont créés, le salut doit donc venir d’une influence extérieure qui va imposer un reset du système, une remise en question de ses fondamentaux génératrice d’un ordre nouveau.

Et pour faire bonne mesure, le redresseur de torts s’est attaqué au système par ses symboles les plus puissants :

-Les pays dominants : Voir l’Amérique triomphante, la vieille Europe et l’ambitieux Iran plier sous le joug de cette épidémie, c’est toute la suffisance des sociétés humaines qui révèle sa fragilité : un colosse aux pieds d’argile,

-Le système financier international : Basé sur la consommation et la spéculation, il a installé une surenchère sur les ressources et les moyens afin de maintenir les ménages et les entreprises dans une dépendance permanente de leurs envies et non de leurs besoins, source de tous les excès,

-Les systèmes de santé publique : La santé publique des Etats est désormais abordée selon des critères de gestion comptable plutôt que de réponse sociale. Résultat, la logique de solvabilité prime sur le service public, avec comme conséquences une médecine élitiste, des stocks exsangues et une couverture médicale défaillante,

-L’industrie pharmaceutique : Le paradoxe est que les Etats se sont dessaisis de la production de médicaments au profit de sociétés privées qui l’ont réduite à un simple commerce. Du coup, l’offre de médicaments répond à des critères de profit au détriment de la santé des populations qui sont maintenues dans un état de morbidité chronique : on ne guérit plus, on soulage et on maintient la dépendance aux traitements à vie.

-La structure sociale : Elle a explosé sous le coup d’expérimentations hasardeuses assimilées au « Progrès », menées au pas de charge par des apprentis sorciers obsédés par les Libertés et qui n’ont pas pris soin de laisser aux citoyens le temps de mesurer les bienfaits de ces réformes sur les Droits Humains et libertés individuelles : Mariage pour tous, PMA, GPA, ainsi que sur les sciences et la technologie : bioéthique, OGM, 5G, etc…

-Les modes de production et de consommation : Frénétiques, boulimiques, déraisonnables, axés sur le profit plus que sur la préservation des ressources naturelles et financières, jusqu’au point de rupture,

-La préservation de l’environnement : Sacrifiée sur l’autel du pouvoir, du confort et du profit, avec cet Accord de Paris devenu caduque et ces dirigeants politiques incapables de changer de paradigme, enfermés qu’ils sont dans une logique de réélection ou de profit.

Le monde est fait de grands équilibres qui échappent à l’intelligence de l’Homme et l’univers doit sa longévité à des lois de régulation qui s’imposent à tous. La capacité des espèces animales et végétales à s’adapter aux changements de leur environnement a fait le reste, c’est tout ce qui fait la richesse et la beauté de la biodiversité, que l’homme par sa cupidité s’est évertué à mettre à mal au risque de flirter avec le point de non-retour.

Le jour d’après :

Alors oui, on ne peut pas exclure l’hypothèse qu’à l’image du déluge, le coronavirus soit arrivé à point nommé pour contraindre les sociétés humaines à prendre conscience qu’elles sont allées trop loin et qu’elles devront reconsidérer leur rapport à la communauté, à la production et à l’environnement.

Malheureusement, il y aura un prix à payer :

-D’abord humain, par la sélection naturelle qui va soustraire les éléments les plus fragiles, afin de repartir avec des troupes saines, viables, à même de porter le nouveau projet,

-Ensuite sociétal, car le confinement aura mis les hommes face à toutes leurs incohérences, il conviendra de revoir l’échelle des valeurs pour le couple, les enfants, la communauté. Cette remise en cause va provoquer nombre de conflits familiaux, divorces, rupture d’héritages et d’amitiés car tout sera à reconstruire,

Egalement, économique avec les faillites d’entreprises, pertes d’emploi qui vont totalement redessiner le paysage de l’entreprise survivante, avec plus de flexibilité et d’insécurité mais également un nouveau rapport à la production, notamment avec la généralisation forcée du télétravail dont le maintien aura un effet salvateur sur les transports, la pollution, la productivité et la sociabililté,

-Enfin, environnemental, par la prise en compte de la durabilité comme fil d’Ariane de toutes les politiques touchant à l’humain, à la production, à la science et à la biosphère.

Covid 19 : danger ou opportunité ?

La réponse nous appartient, individuellement et collectivement, à travers l’émergence d’une nouvelle citoyenneté basée sur la responsabilité, la sincérité et la solidarité.

Amath BA

31 mars 2020

Préservation de l'Environnement au Sénégal: la Mère des Batailles !

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Alerte toutes pollutions : Dakar, une bombe écologique ?

Par: Le Monde - Le Monde | 10 mars, 2020

VIDEO : https://youtu.be/C1jzYZGg9Bs

Fin février, durant trois longues journées, Dakar a été plongée dans un épais nuage de poussière provenant du Sahara. Pendant ces épisodes, de plus en plus courants, la concentration de particules fines dans l’atmosphère explose. En termes de pollution atmosphérique, la ville dépasse les normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : la concentration de particules fines est en moyenne cinq fois supérieure aux recommandations de l’OMS. Des pics de pollution qui ont plusieurs sources. Pour les comprendre, notre journaliste a parcouru la ville, du centre-ville à la plage de cap Manuel, en passant par la zone industrielle, la gare de Colobane, les quartiers Médina et HLM, le marché de Soumbédioune et la décharge de Mbeubeuss.

Protection de l’Environnement et gestion des déchets biomédicaux : Riad Kawar, les contrecoups de l'activisme

Par: Marième Birame BÂ - Seneweb.com | 06 mars, 2020 à 10:03:01  | Lu 645 Fois |  11 Commentaires

Militant reconnu de la protection de l’Environnement au Sénégal, Riad KAWAR s’est illustré par ses bulletins météo, sa veille sur la qualité de l’air, sa mobilisation pour la défense du littoral et la lutte contre l’occupation anarchique des sols, l’alerte sur la propagation des déchets médicaux.

Cet activisme sur tous les fronts pour une cause d’utilité publique lui a valu une reconnaissance méritée dans les milieux du développement durable, mais également des inimitiés parmi les pollueurs, qui ont même cherché à l’intimider.

Pas de quartier pour les empêcheurs de polluer en rond: circulez, y’a rien à voir…

Témoignage vidéo: https://www.seneweb.com/news/Video/gestion-des-dechets-biomedicaux-riad-kaw_n_310776.html

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Au Sénégal, des citoyens se mobilisent pour un Dakar plus vert

Victime d’une urbanisation galopante, la presqu’île du Cap-Vert voit sa superficie d’espaces boisés réduite à la portion congrue.

Par Marie Lechapelays - Le Monde Afrique - Publié le 04 mars 2020

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Stop à l’urbanisation galopante de Dakar qui ajoute de la pierre à la pierre. « Pourquoi la ville n’aurait-elle pas son Central Park avec des arbres, des fleurs, un lac, des animaux, de la pelouse ? », s’insurge Mamadou Sakho, un militant écologiste sénégalais de 35 ans.

Samedi 29 février, la séance de projection de son documentaire Sénégal vert. Horizon 2035 a rassemblé à la librairie de L’Harmattan de Dakar une centaine de jeunes citadins. Tous militent pour que leur ville, vitrine du pays, ne ploie plus sous le poids d’une urbanisation galopante, mais regagne « son lustre d’antan ». Un groupe parmi d’autres où, aujourd’hui dans la capitale du Sénégal, les citoyens se mobilisent pour une ville plus verte.

Mi-janvier, Mamadou Sakho avait publié une pétition largement relayée sur les réseaux sociaux. Il voulait transformer l’ancien aéroport international Léopold-Sédar-Senghor de Dakar – 600 hectares en plein cœur de la capitale – en réserve naturelle. Cet espace serait « la symbolique d’une nouvelle vision écologique non seulement sénégalaise, mais tout simplement africaine », souligne-t-il dans sa pétition.

Lire aussi  Plan B : au Sénégal, une Grande Muraille verte pour arrêter le désert

Si plus de 20 000 personnes l’ont signée, peu croient le projet possible. En 2017, l’aéroport international du Sénégal déménageait à cinquante kilomètres de Dakar, laissant ouvertes les possibilités pour ce gigantesque espace de la presqu’île. Une partie de l’ancienne infrastructure est dès lors confiée par décret présidentiel à l’armée, qui l’utilise pour les manœuvres aériennes militaires, les voyages présidentiels et ministériels.

Le reste est cédé au goutte-à-goutte pour la construction d’immeubles privés et d’opérations immobilières. Un projet de cité financière futuriste a d’ailleurs été annoncé. Mais, depuis, plus un mot sur ce qui devait ressembler à la Casablanca Finance City, reconnue comme la première place financière du continent, mais reste un projet dans les limbes.

« Une ville qui ne respire plus »

Dans ce contexte, les citoyens sentent bien que leur mobilisation massive peut faire plier les politiques. Et qu’il y a urgence. Aujourd’hui, le parc forestier et zoologique de Hann, situé à 6 kilomètres du centre-ville, est le seul endroit où les Dakarois peuvent respirer sous les arbres. Soixante hectares de verdure pour plus d’un million et demi d’habitants à Dakar même, c’est peu.

Selon le plan directeur d’urbanisme de Dakar et de ses environs horizon 2035 du ministère sénégalais du renouveau urbain, de l’habitat et du cadre de vie, « la superficie d’espaces verts [est] de 0,15 mètre carré par personne actuellement » dans la capitale. Un chiffre que le ministère voudrait faire passer à « 1 m2 par personne », toujours selon le document.

Lire aussi  Plan B : reboiser sans planter d’arbres, c’est possible

Pour Mamadou Sakho, cet objectif est impossible à atteindre si un espace comme celui de l’ancien aéroport ne redevient pas vert. « C’est la dernière chance d’avoir un poumon dans cette ville qui ne respire plus », insiste-t-il. D’autant que la population urbaine continue à croître à un rythme élevé.

Face à la pression foncière, le littoral est aussi menacé. Le 15 février, Riad Kawar, un autre militant écologiste dont la page Facebook « La météo dakaroise de Riad » est très suivie, publiait une vidéo alarmiste. « Des promoteurs immobiliers sont en train de détruire les falaises qui protègent le Plateau [centre-ville] de Dakar », prévient-il, montrant des pelleteuses repoussant la terre de la falaise vers la plage du Cap Manuel, à une extrémité de la presqu’île.

« Des constructions anarchiques »

Au lendemain de cette vidéo devenue virale, la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (DSCOS) a fait arrêter le chantier. Mais « c’est certainement temporaire », se désole Riad Kawar. Non loin, il a remarqué que des résidences immobilières avaient déjà « grappillé » sur la falaise. Il y a même, ça et là, « de graves craquelures », raconte-t-il, inquiet des mouvements de terrain induits par les constructions, qui font risquer éboulements et glissements de terrain.

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Le grignotage foncier du littoral n’est pas nouveau à Dakar. Le protéger, c’est le combat d’une vie pour Moctar Ba, qui fait partie des outrés de la première heure. Depuis les années 2000, l’association Nouveau Monde qu’il préside a vu des « constructions anarchiques » grignoter le littoral, ce « joyau de Dakar ». Depuis quelques années, une zone comme la corniche ouest, au plus près de la mer et dont l’urbanisation est très réglementée, est en travaux permanents, en dépit des réglementations en vigueur.

A l’occasion de la dernière élection présidentielle, en février 2019, il avait même rédigé un « Pacte politique pour sauver le littoral », enjoignant les cinq candidats en lice de « prévenir la perte irréversible du capital biologique, esthétique et identitaire [que le littoral] représente » mais aussi, de « lutter contre tout bradage ».

Comme Saliou Beye qui travaille aux abords de l’ancien aéroport, il ressent le sentiment d’être lésé, oublié comme l’intérêt général. Il assure que Macky Sall, alors candidat et réélu à sa propre succession, l’avait félicité pour son pacte. Mais depuis, « rien n’a bougé ».

Reboiser toute la corniche de la presqu’île

La raison de cet immobilisme tient en une bulle spéculative qui gangrène la capitale. La ville est mangée par « un urbanisme d’opportunités foncières », explique Djibril Diop, chargé de cours à l’Ecole d’urbanisme et d’architecture de paysage à la faculté de l’aménagement de l’université de Montréal.

Une problématique dont il s’est emparé dans un livre publié en 2012, Urbanisation et gestion du foncier à Dakar : défis et perspectives« La demande est forte, c’est une manne financière très importante, assure-t-il au Monde Afrique. Tout est vendu par opportunisme. »

Normalement, les prix sont définis par quartier par l’Etat. En réalité, ceux pratiqués sont doublés, voire triplés. Face à de tels enjeux économiques, et malgré l’existence de différents codes, comme celui de l’environnement, des collectivités locales et territoriales, de l’urbanisme, qui protègent certaines zones de la ville de toute construction, la préservation de l’environnement ne fait pas le poids.

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Quelques citoyennes adoptent des stratégies astucieuses, de dernier recours. Il y a quelques mois, Mara Baalbaki, une femme d’affaires, a créé l’association Ecolibri pour reboiser toute la corniche de la presqu’île. Repérant un endroit vierge pour l’instant épargné de tout projet de construction, elle y a planté quelques arbres et des plantes résistantes. « S’il y a quelque chose, normalement on n’y touchera pas », précise-t-elle avec un air malicieux. Une astuce réitérée par Riad Kawar qui a fait planter plus de cent cinquante arbres pour stopper les pelleteuses aplanissant la falaise.

Depuis son élection, fin septembre 2018, Soham El Wardini, la maire de Dakar, veut rendre la capitale plus saine. Mais le partage de la gestion des espaces entre la ville, les collectivités locales et l’Etat rend les réponses trop lentes et floues pour la population. Un « Central Park » au cœur de Dakar, un littoral protégé, une utopie ? « Peut-être, répond Mamadou Sakho, mais on ne va pas lâcher l’affaire. »

Marie Lechapelays (Dakar, correspondance)

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MYTHOLOGIE DES TEMPS MODERNES: LE BON SAUVAGE ET LE BON SAUVEUR - Le développement durable et l'économie de marché: Pensées et arrière-pensées

MYTHOLOGIE DES TEMPS MODERNES: LE BON SAUVAGE ET LE BON SAUVEUR

Le développement durable et l'économie de marché: Pensées et arrière-pensées

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La main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. Dès lors, les notions de partenariat, de coopération et de coresponsabilité sont à géométrie variable, selon le point d'observation.

C'est du moins le point de vue de Ngor Sène, paysan sérère de son état, enraciné dans son terroir et pétri de bon sens, au crépuscule de son existence.

Au-delà des grands principes fondateurs qui se drapent de vertu et du sens des responsabilités, le développement durable apparaît comme LE marché émergent, l'Eldorado des consultants et des grands penseurs de ce monde, passés maîtres dans la promotion des néologismes qui, comme un tube du Top 50, colonisent les esprits et créent des écrans de fumée.

Ainsi, nous avons tous adopté le «changement de paradigme» alors que nous n'avions même pas conscience d'en avoir déjà eu un, nous découvrons la résilience comme une nouveauté, alors qu'endurer la souffrance et se relever est l'essence même de la condition animale.

Et aujourd'hui, face aux funestes échéances de la planète, + 7 ° de moyenne en plus à la fin du siècle au lieu des + 4.8 ° prévu, les termes savants de biodiversité et de biosphère sur lesquels ergotents les experts renvoient tout simplement à une appellation compréhensible par tous: la nature.

Le monde continue d'être dirigé à travers des grands-messes telles que Davos et le G7 où les influenceurs de tous horizons se réunissent autour d'une seule équation: comment assurer la croissance à travers la consommation, seule à leurs yeux susceptible de garantir la pérennité de l'économie ?

L'Emploi et l'Environnement ne sont que des variables d'ajustement dont on ne se préoccupe qu'une fois la production et de la consommation assurées.

Il n'est donc pas étonnant que la planète aille si mal et que la génération montante, à l'image de Greta Thunberg, délivre des bonnets d'âne à l'ensemble de la classe politique du monde.

Car si les destinées de notre planète étaient confiées au bon sens de notre Ngor Sène et de ses congénères paysans, ils commenceraient par renverser la pyramide actuelle qui produit à tout va et provoque ensuite l'envie à travers une communication frénétique pour booster la consommation. Le monde du bon sens partirait des besoins réels, fabriquerait en tenant compte des réserves en ressources naturelles, s'attacherait à prolonger la durée de vie des biens et services en favorisant la réparation au détriment du remplacement, et communiquerait sur les bienfaits de ces économies d'échelle.

Pour ce faire, cinq mesures simples mais révolutionnaires:

1-Agroalimentaire:

Revoir les dates de péremption à la hausse, quitte à réduire les additifs chimiques. Un yaourt destiné au marché français se voit attribuer une date limite de consommation de 3 semaines quand il est écoulé en métropole, et 5 semaines quand est livré dans les DOM-TOM. Cette différence ne répond pas aux exigences sanitaires mais plutôt aux intérêts commerciaux de la branche professionnelle qui, sous prétexte de pousser au renouvellement rapide des stocks, incite les consommateurs à jeter des produits qui en réalité, ont encore une durée d'utilisation de 30% ;

2-Lampes à basse consommation, puis LED:

L'introduction des lampes à basse consommation a été controversée en raison de la contenance de produits polluants voire dangereux, tels que le mercure. Certains scientifiques ont fait le lien entre leur mise en service et la recrudescence de certains types de cancers tels que celui de la thyroïde. En réponse à la polémique naissante, les pouvoirs publics d'Europe ont appliqué le principe de précaution, en recommandant une distance minimale de 1 mètre entre la lampe et la personne qu'elle éclaire, et elles ont mis en place des bacs de récupération des ampoules usagées en vue de prévenir les casses accidentelles, puis de les recycler.

Aujourd'hui que les investissements ont été amortis et que la demande stagne, voilà qu'on reconnait implicitement le caractère délicat de ce type d'ampoule pour la santé et l'environnement, accompagné d'une forte recommandation de l'abandonner au profit des LED, qui se voient attribuer toutes les vertus… pour l'instant.

A croire que la préservation du cycle «Recherche et développement - Production - Amortissement - Remplacement» qui sous-tend la consommation mondiale est plus importante que la préservation de l'environnement et la santé des populations.

Le même constat peut être fait dans l'industrie pharmaceutique avec tous ces médicaments controversés tel le Médiator, que le législateur a mis des années à mettre hors circuit, le temps que le retour sur investissement soit assuré.

3-Electronique: obsolescence programmée  :

L'électronique est grosse consommatrice de produits polluants (plastique, donc pétrole), de métaux rares (zircon), sources de dégradation de l'environnement et d'exploitation humaine (travail forcé, travail des enfants, faible rémunération et pénibilité). Si l'utilité de ces technologies ne souffre d'aucune contestation, le choix de consommation pose problèmes, avec l'obsolescence programmée et la quasi-impossibilité de les réparer. Résultat: la durée de vie de tous ces appareils oscille entre 2 et 5 ans à l'issue desquels ils vont s'entasser dans des décharges où ils polluent. Le bon sens commande de pouvoir les réparer et prolonger leur durée de vie, ce qui aurait un impact positif sur la consommation de leurs composants, donc sur les ressources de la planète.

4-Téléphonie mobile:

La téléphonie mobile est le secteur émergent de l'heure avec une moyenne d'utilisation de 2 ans pour un appareil en Europe. Pas parce qu'il est obsolète, mais simplement parce que pour booster la consommation, l'industrie vous contraint à en changer. Pour ce faire, tous les moyens sont bons: promotion sur de nouveaux appareils, blocage des mises à jour sur votre ancien appareil, inflation sur les prix des pièces de rechange et réparations. Souvent, ces appareils connaissent une deuxième vie dans les pays du tiers-monde où ils sont boostés par les formules de puces prépayées grâce auxquelles au Sénégal, il y a presque autant d’appareils en service que d'habitants, alors qu’aucune stratégie n'a jamais été mise en place en place pour récupérer et recycler les produits toxiques qu'ils renferment (piles, métaux lourds),

5-Industrie pharmaceutique: pharmacopée, herbes et substances naturelles versus industrie pharmaceutique et brevets:

Le paradoxe de l'industrie du médicament est que, question de santé publique par excellence, elle est quasi exclusivement entre les mains de laboratoires privés qui au motif qu'ils ont soutenu la recherche et le développement et qu'ils ont acheté les brevets, en font une marchandise comme toute autre. Résultat, les gouvernements ont toutes les difficultés pour développer des politiques de santé opérationnelles et sous la pression des lobbies, ont renoncé à soigner, se bornant à maintenir les populations dans un état de morbidité opérationnelle qui leur permet de rester actives tout en restant dépendantes de leurs médicaments sous la forme de traitements préventifs (paludisme, grippe) ou longue durée (diabète, hypertension, VIH),

Ces laboratoires s'évertuent également à combattre toutes formes alternatives de traitements pour les maladies endémiques telles que l'Artemisia qui semble être une réponse valable au paludisme, mais que la médecine officielle s'interdit de reconnaître au risque de contrarier les intérêts des lobbies pharmaceutiques.

Pourtant en Afrique, en Asie notamment, la médecine traditionnelle réussit à assurer une espérance et un confort de vie dans des zones dépourvues de pharmacies, mais nous sommes conditionnés pour prendre ces éléments actifs sous forme de comprimés, de gélules ou d'injections plutôt que sous leur forme naturelle autrement plus efficace.

Résultat des courses, on surconsomme et si on n'a pas de sous, on crêve !

-Dispositif institutionnel:

Nos bons paysans finiraient par redonner un sens aux maux et aux mots, notamment en mettant au rebus le terme usurpé d'Economie.

Car comment peut-on oser appeler la gestion du monde «Economie» alors que tout tourne autour de la consommation et confine au gaspillage ? Et que dire de ces Ministres de l'Economie qui n'en font aucune, se limitant à dépenser un argent qu'ils n'ont pas ? Ministre de la Dépense ou Ministre de la Dette serait plus approprié.

Un Ministre de l'Economie digne de ce nom serait nommé pour étudier les voies et moyens de réduire l'impact de la spéculation sur les marchés financiers et optimiser la gestion des ressources afin de consommer moins et produire propre, il proposerait des mécanismes permettant de favoriser l'épargne et l'économie circulaire. En réduisant la production mondiale de 30% en matières premières, sources d'énergie et biens de consommation, le monde ne s'en porterait pas plus mal et les besoins de base seraient assouvis. Les seuls qui y trouvaient à redire sont les rares (1% ?) Qui ont plus que ce qu'ils peuvent consommer, et donc thésaurisent, ou gaspillent au lieu de redistribuer.

Le monde se trouve ainsi partagé en quatre catégories de délinquants, coupables de:

-Délit de perversité :

Ces dirigeants du monde qui font de la conquête puis de l'exercice du pouvoir une fin en soi, qui justifie les moyens,

-Délit de cupidité :

Ces champions de l'industrie, des services, de la finance et de la communication qui président aux destinées de l'économie de marché, incapables d'envisager l'évolution du monde autrement qu'en terme de surenchère. Même après avoir cédé la moitié de leur fortune, ils restent les plus riches du monde…

-Délit de complicité :

Tous ceux qui dans leur vie professionnelle et associative, alimentent les dérives de ce monde tout en feignant de les dénoncer, contre argent et illusion de réussite sociale,

-Délit de passivité :

Tous ces citoyens du monde exploités, opprimés, fragilisés mais qui dans l'adversité, ne savent pas comment fédérer leurs énergies pour constituer une alternative collective aux dérives de notre époque.

Apocalypse Now !

L'économie de marché se révèle un marché de dupes, un rapport de force entre le pot de terre et le pot de fer, une fable contemporaine du bon sauvage et du bon sauveur

Car dans ce monde en perdition, deux espèces cohabitent :

-Le bon sauvage:

Il a une destinée toute tracée : celle de subir et de s'accommoder des décisions prises par d'autres pour la satisfaction de leurs seuls intérêts. Le bon sauvage a des ressources naturelles dont il n'a aucune idée de la valeur et de l'intérêt, et qu'il se révèle bien incapable d'exploiter, il dispose d'un capital humain qu'il met volontiers au service de son prochain, même si celui-ci l'embarque dans des guerres prétendues mondiales qui ne sont pas les siennes, et enfin et surtout, il est né avec un cerveau simplifié, doté des seuls programmes fonctionnels, ce qui laisse la place pour y télécharger un système d'exploitation 2.0 avec langue, culture, éducation, formation professionnelle, et le logiciel de soumission qui va avec.

C'est du moins la perception qu'en a le bon sauveur, et qu'il a réussi à lui vendre à vil prix.

Et pour asseoir sa domination, ce bon sauveur s’emploie à sélectionner ses interlocuteurs parmi une élite africaine à l'image de la chèvre de Monsieur Seguin : docile, caressante, se laissant traire sans bouger, à qui il n'offre qu'une alternative: se soumettre à l'ordre mondial ou se démettre.

Pour le dirigeant africain, sans son mentor, point de salut, et celui qui s'aventure à vouloir s'affranchir est systématiquement mis en quarantaine, diabolisé, neutralisé, déposé, voire éliminé. En conséquence, ceux qui survivent, et qui durent, sont entourés d'une nuée de partenaires étrangers du genre de «ces amis qui vous veulent du bien», à condition qu'ils achètent leur technologie, leur expertise et leur réservent leurs marchés publics les plus juteux.

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-Le bon sauveur:

On pourrait l'appeler le berlinois, car l'ironie de l'histoire a fait de cette ville le centre de ses grandes décisions.

En effet, de la Conférence de Berlin de 1885 qui a défini les règles du dépeçage de l'Afrique par la colonisation, à la chute du mur de Berlin en 1989, qui a consacré la défaite du socialisme et l'avènement de l'économie de marché comme système de référence, l'occident a réussi la prouesse d'être le plus grand prédateur de l'univers, en soumettant les hommes, biodiversité et ressources minières à une exploitation effrénée, tout en se drapant du costume du garant des droits humains et de la protection de la nature.

Pour ce faire, il a élaboré de savantes théories pour légitimer sa main-mise sur les actifs du monde, notamment en affirmant que les peuples sous sa coupe l'étaient de leur plein gré, dans l'espoir d'être menés vers la civilisation et le progrès.

Enfin, il a développé tout un arsenal d'institutions de régulation telles que celles de l'ONU, le G7, le G 20, les sommets de Davos et autres rencontres où il se gargarise des richesses du monde, et y invite ses affidés au compte-goutte pour qu'ils puissent y ramasser quelques miettes du festin dont ils pourraient se glorifier auprès de leur opinion publique nationale.

Développement durable versus maintenance durable

L'économie du marché se drape du manteau de la vertu en invoquant la bonne gouvernance, l'éthique, la responsabilité sociétale des entreprises et le respect de l'environnement mais force est de reconnaître qu'en dépit des incantations, les gros scandales continuent dans une relative impunité (dieselgate de Volkswagen, scandale du Médiator, déchets toxiques exportés vers des pays pauvres), et 25 ans après la Conférence de Rio sur le climat et malgré la cascade de COP, aucune mesure contraignante n'a pu être prise en faveur de l'environnement. Les financements sont dispersés entre les institutions, les gouvernements, les experts et les entreprises, et la prévision d'augmentation de la température de la planète à la fin du siècle passe de 4,8 à 7 ° C. Cherchez l'erreur…

Pourtant à l’opposé, la dernière crise financière internationale a été enrayée en trois coups de cuillère à pot par les grands de ce monde, qui ont su prendre des mesures radicales, notamment en injectant massivement de l'argent public dans les secteurs financier, industriel et immobilier, ceux-là mêmes qui étaient à l'origine du désastre. A contrario, il est symptomatique de constater que les grandes conférences sur le climat n'aboutissent qu'à des compromis stériles, consensuels parce que à minima et non-contraignants, et dont les modalités d'application restent à l'entière discrétion d'un président américain ou chinois, au gré de ses intérêts du moment.

La dernière CP 25 tenue en décembre 2019 a battu tous les records d'inefficacité: 48 heures de dépassement de temps pour arriver à un communiqué final creux, reportant les décisions attendues… à la prochaine COP ! En attendant, l'empreinte carbone de cet attroupement stérile s'ajoute aux incendies de Californie et d'Australie, pour nous rappeler que le temps n'est plus notre allié.

Le développement durable apparaît comme un alibi de circonstance, le sujet brûlant sur lequel on peut mobiliser des financements pour la recherche et le développement, acheter des brevets, vendre de l'expertise, des équipements dans le cadre de la conduite du changement, et continuer à faire des affaires, drapé dans un nuage de bonnes intentions.

D'ailleurs, le vocable lui-même prête à confusion car selon les latitudes, il ne revêt pas le même contenu: 

-Pour les pays en quête d'émergence, le choix de développement se pose quant aux sources d'énergie, au recyclage des déchets, à l'optimisation des ressources naturelles et au développement du capital humain, pour des populations jeunes et un environnement encore attractif pour des investisseurs. Ces pays qui ont raté le train de la révolution industrielle ont engagé une course contre la montre pour attraper la révolution numérique avant qu'elle dépasse. Pour ceux-là, le développement durable est une approche politique cohérente qui leur permet de s'insérer dans le concert des nations.

A l'opposé, les pays industrialisés ont en commun des taux de croissance proches de zéro, une population vieillissante, un espace de vie surchargé et des réserves financières conséquentes, fruit d'une exploitation intensive des ressources du monde et un art consommé de la thésaurisation. Pour ceux-là, il s'agit plutôt de Maintenance Durable afin de pérenniser les acquis, notamment par les marchés financiers, et la capitalisation des ressources matérielles et humaines des pays en développement, mais également par l'immigration choisie telle qu'elle nous apparaît dans les domaines du sport, des arts, du BTP, du tourisme de l'agroindustrie.

Le développement durable présuppose une attitude bienveillante des parties prenantes faite d'empathie, de solidarité et de responsabilité partagée. La condition du succès est le rééquilibrage de la distribution des richesses par le développement économique local et la gestion des ressources dans un souci d'économie et de justice sociale. Cette approche doit impacter les politiques nationales et internationales, notamment la coopération entre les pays développés et les pays en développement qui jusqu'à présent, a été marquée par un déséquilibre structurel imposé, qui est la source de tous les maux de la terre: traite négrière, colonisation, détérioration des termes de l'échange, accords de partenariat économique, zones de libre-échange.

Toutes ces étapes ont été marquées du sceau de la volonté du plus fort qui chacun sait, est toujours la meilleure.

Le premier engagement sociétal des multinationales ne devrait-il pas être de payer l'impôt sur les sociétés au taux normal dans les pays où elles sont implantées ? Ainsi, elles participeraient à leur juste niveau au développement local, au lieu de négocier des exonérations, le rapatriement des bénéfices, et de pratiquer l'optimisation fiscale.

Sauf que le développement durable a introduit l'idée du dialogue parties prenantes, qui a l'ambition d'être plus inclusif, équitable et consensuel. Nous tenons là un vrai défi car dans la forme comme dans l'esprit, ce dialogue doit aboutir à un rééquilibrage des forces par un système de vases communicants, avec un renoncement des nantis à une partie de leurs privilèges, ce qui se traduirait par un appauvrissement et une perte d'influence, et du côté des pays émergents, par une gestion vertueuse et responsable des ressources et du produit de la croissance.

Une forme de communisme version économie de marché.

Et c'est dans ce cadre que la RSE, Responsabilité sociétale des entreprises présente une alternative intéressante, pour autant qu'elle évolue dans un environnement propice à l'exercice d'une démarche par l'entreprise

Mais ce concept de RSE / Développement durable n'est-il pas source de confusion volontaire - “Au-delà de la loi” ?

Conçue par des idéalistes qui ont réussi à se persuader que l'altruisme et l'équité mènent le monde, la RSE est arrivée dans le jeu comme la nouvelle justice sociale, menée par une entreprise responsable qui comme le colibri, ferait sa part sans esprit de retour.

Certains se souviennent que le marxisme léninisme s'est en son temps présenté au monde comme la solution universelle en prônant les mêmes valeurs.

C'était en oubliant que la nature profonde de l'homme et de l'entreprise qu'il a créée, c'est la volonté de puissance et l'accumulation de richesses, à qui la RSE a donné un paravent de bonnes intentions qui ont été détournées de leur objectif par des experts en communication, au point qu'à l'arrivée, on en retient surtout de belles formules ronflantes que chacune des parties concernées a su accommoder selon son angle de vue, cacophonie garantie.

Les pouvoirs publics et autorités locales y voient un moyen de drainage des capitaux pour financer leur politique, les travailleurs espèrent par ce biais avoir une base de dialogue social équitable, les ONG et la société civile espèrent co-gérer l'entreprise sans avoir à entrer dans le capital ni s'astreindre à la production, et les populations attendent une amélioration de la qualité de service et de la relation clientèle.

Et lorsqu’on met les entreprises devant leurs incohérences et leur inconséquence, la réponse fournie par les dirigeants est invariablement: «nous sommes dans un processus d'amélioration continue, il faut nous laisser le temps de parfaire le système».

Le monde ne s'est pas fait en un jour.

Pendant ce temps, la dégradation de l'environnement et les bénéfices sont immédiats et irréversibles.

C'est ainsi qu'on a vu pulluler des entreprises prétendument socialement engagées qui ont saturé les médias et les réseaux sociaux d'actions de bonne volonté spectaculaires, qui n’avaient d’autre vocation que de donner plus de respectabilité aux moyens par lesquels elles faisaient toujours plus de bénéfices pour satisfaire leurs actionnaires et gratifier les employés auteurs de ces exploits.

Dans cette cacophonie, chacun a voulu voir midi à sa porte : l'entreprise s'est mise à écrire sa propre légende en utilisant tous les supports de promotion disponibles : actions de terrain, presse classique et en ligne, réseaux sociaux, ce qui a fini par créer la suspicion au sein des travailleurs, des pouvoirs publics, de la société civile et des ONG qui, invités dans un espace de dialogue taillé sur mesure par cette entreprise, n'acceptent de se prêter au jeu que dans l'optique d'en tirer un profit immédiat et souvent éphémère. La RSE s'est finalement résumée au mécénat et à l'engagement communautaire, perdant par-là cette notion de développement durable qui pourtant en constituait l'ADN.

Il aura fallu l'instauration des Objectifs du Développement Durable - ODD - pour enfin avoir une base d'évaluation mesurable et sélective qui a mis l'église au milieu du village. Finies les incantations, les professions de foi et les annonces gratuites : l'engagement sociétal de l'entreprise doit à présent se mesurer à l'aune de l'impact vérifié sur les 17 ODD, ce qui contraint les mystificateurs à ravaler leur discours pour laisser la place aux faits.

A ce jour, les avancées les plus significatives en RSE ne sont pas le fait du volontarisme des chefs d'entreprises, mais la conséquence d'un environnement juridique et fiscal de plus en plus contraignant, faisant rendre gorge pour les infractions constatées, ce qui nécessite une veille efficace de la part des lanceurs d'alertes.

Communiquer: Le sens des mots, l'indécence des idées

Avec Internet et les réseaux sociaux, nous sommes entrés de plain-pied dans la civilisation de l'expression frénétique où la vitesse de réaction prime sur la profondeur de la réflexion. Résultat, la communication véhicule des émotions plutôt que des analyses, ce qui rend le citoyen plus fragile, parce que perméable à toutes formes de conditionnements, voire de manipulations.

Aujourd'hui, il est aisé de faire passer des projets virtuels pour des réalisations concrètes, en utilisant des éléments de langages et des supports audiovisuels en images de synthèse pour marquer les opinions publiques. Le temps de comprendre, les électeurs ont déjà donné leur voix aux marchands de rêves, qu'ils sanctionneront au scrutin suivant sans états d'âmes, pour miser sur un autre prestidigitateur du même acabit.

Il est temps de revenir à la raison, au temps de la concertation, de la réflexion qui précède l'action, sous peine de compromettre l'avenir du monde.

Commun… niquer

La nature a doté l'homme de la parole pour masquer ses pensées. L'homme, par son intelligence, y a ajouté l'écriture et l'audiovisuel pour brouiller encore plus les pistes.

Comme il est friand de concepts, il a appelé tout cet arsenal la «communication», qui a donné le verbe générique «communiquer».

Communiquer, étymologiquement composé de deux mots: commun et niquer, signifie en langage trivial… niquer ensemble.

Par conséquent, une communication réussie suppose que chacun des protagonistes prenne en compte les aspirations légitimes de son partenaire et agisse en osmose de sorte qu'à la fin du jour, chacun y trouve satisfaction.

Dès lors que ce rapport est asymétrique, qu'une des parties monopolise l'affaire et reste sourde aux désirs de l’autre, se focalisant exclusivement sur l'image qu'elle a d'elle-même, on bascule dans le plaisir solitaire, narcissique assimilable à la masturbation.

A l'inverse, une publicité tapageuse, mensongère assénée à son public cible de manière frénétique confine au harcèlement, et si au final, de guerre lasse, la victime cède sous la pression et se soumet à la volonté de son bourreau, alors nous sommes là en présence d'un viol.

«Balance ton porc» pourrait bien être la prochaine étape de la guerre de communication déclenchée par l'entreprise narcissique, et fort du facteur amplificateur des réseaux sociaux, nouveau baromètre de référence, la réaction de l'opinion publique pourrait bien être disproportionnée par rapport à l'agression subie.

Qu'on se le dise!

Gauchiste contrarié,

Altermondialiste frustré.

 

UEMOA – CEDEAO : DU CFA A L’ECO : SOUVERAINETE MONETAIRE OU TROMPE-L’ŒIL ?


Chronique

Lâcher le CFA pour mieux contrôler l'ECO ? (Par Mamoudou Ibra Kane)

Par: Mamadou Ibra KANE - Seneweb.com | 22 mai, 2020

Video : https://www.seneweb.com/news/Chronique/lacher-le-cfa-pour-mieux-controler-l-eco_n_318540.html

AUDIO. Le monde se dé-confine. La vie reprend. Lentement mais sûrement. Heureux ceux qui sont proactifs. Malheur à ceux qui sont réactifs. Proactivité ? La France manœuvre ferme envers l'Afrique. Sa proie facile. Après tout il faut songer à l'après-covid ! D'où la dernière trouvaille de l'ancienne puissance colonisatrice : la fin de la monnaie coloniale chère aux pays anciennement colonisés. Il ne fallait surtout pas que le franc CFA survive au virus. Faut-il en vouloir à Paris de se projeter dans la post-crise ? Évidemment non. La France est logique avec elle-même. Après avoir pris les devants, le 21 décembre dernier à Abidjan, en annonçant avec le président ivoirien Alassane Ouattara à ses côtés, la mort prochaine du franc CFA, il ne restait plus au président Emmanuel Macron qu'à signer l'acte de décès, en conseil des ministres à l'Elysée. Alliant ruse, opportunisme et réalisme, en un mot machiavélisme, l'Etat-stratège français fait semblant de renoncer à tout. Mais, au fond, il garde l'essentiel. Disons tout. En tout cas, tout est dans le symbole. En effet, la France sera et restera le "garant financier" du futur ECO comme elle le fut du CFA. Ceux qui rêvaient d'une coupure sèche du cordon ombilical entre l'ancien colonisateur et ses anciens colonisés devront encore patienter. Comme si, hélas, le processus de décolonisation n'était pas encore achevé.

Symbole pour symbole, on aurait assurément apprécié que la fin du CFA et son remplacement par le vieux projet de monnaie unique de la CEDEAO qu'est l'ECO, soient actés lors d'un conseil des ministres à Dakar, Abidjan ou Bamako. Imaginons que le projet de loi mettant fin au franc CFA ait été adopté de manière synchronisée par l'ensemble Etats membres de l'UEMOA et de la CEMAC. Parallélisme des formes et question de souveraineté, chaque président africain aurait pu s'entourer de son gouvernement au complet pour faire de la rupture un acte solennel. Encore, hélas un rendez-vous manqué. Il ne faut surtout pas jeter la pierre à la France. De Gaulle avait déjà prévenu avec sa formule choc : les Etats n'ont pas d'amis ; ils n'ont que des intérêts. Avant lui, un baron anglais avait dit la même chose : "L'Angleterre n'a pas d'amis ou d'ennemis permanents ; elle n'a que des intérêts permanents." Rapporté à la question de la monnaie, les dirigeants de l'UEMOA d'abord et de la CEDEAO ensuite, tiennent là toutes les bonnes raisons de s'affranchir enfin de toutes les tutelles. Un changement de discours s'impose également aux activistes anti-CFA. En l'état actuel des choses, tout sentiment anti-français devient une fuite de responsabilité. La monnaie pour ne pas dire la balle est plutôt dans notre camp.

Situation paradoxale. Au moment où le CFA se meurt et que l'ÉCO tente ou tarde à voir le jour, la gendarmerie sénégalaise réalise la prise du siècle : 1 950 000 000 d'euros en billets noirs, environ 1 300 milliards de francs CFA. Presque le tiers du budget du Sénégal. De quoi s'inquiéter dans une perspective de planche à billets réclamée par certains. Faux billets. Faux médecins. Faux policiers. Faux gendarmes. Faux douaniers. Faux journalistes. Faux décrets. A ce rythme il ne nous reste plus qu'à avoir… des faux présidents. Serions-nous donc des faussaires voire des fossoyeurs de nos propres pays ? Les faits ne plaident pas en notre faveur. Et dire que nous devrions demain battre notre propre monnaie ! Légitime, me diriez-vous certainement ! Mais, le pire ennemi de la monnaie n'est-il pas cette culture du faux ?

Ouattara et Macron annoncent le remplacement du franc CFA par l'ECO en Afrique de l'Ouest

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Par:  RFI -  RFI  |  21 décembre, 2019 à 20:12:08 | Lu 18784 Fois | 182 Commentaires

Ouattara annonce le remplacement du franc CFA par l'éco en Afrique de l'Ouest

Aux côtés d'Emmanuel Macron, le président ivoirien Ouattara a annoncé ce 21 décembre la fin prochaine du franc CFA qui sera remplacé par l'éco. Les huit pays de l'actuelle zone franc en Afrique de l'Ouest vont couper les liens techniques avec le Trésor et la Banque de France, ils ont eux-mêmes cette monnaie sans interférence de la France.

Le franc CFA va disparaitre de l'Afrique de l'Ouest. Le président Ouattara l'a annoncé ce vendredi 21 décembre: «en accord avec les autres chefs d'État de l'UEMOA, nous avons décidé de faire une réforme du franc CFA». Les huit pays qui utilisent cette monnaie vont adopter une nouvelle devise qui sera baptisée l'éco. Cet éco à huit pays deviendra donc le noyau dur du futur dispositif de la CEDEAO.

Les liens techniques avec la France sont en grande partie coupés, c'est-à-dire que Paris ne cogérera plus la monnaie de ces huit pays. Les réserves de changement ne seront pas plus centralisées par la France et les réponses de 50% de ces réserves sur le fameux compte d'opération du Trésor français disparait.

C'était une revendication forte d'une partie de l'opinion publique ouest-africaine. «Paris voulait désamorcer cette critique», comme l'explique un diplomate. De plus, la France se retire des instances de gestion du CFA. Jusqu'à présent, Paris avait un représentant à la BCEAO, la Banque centrale des états d'Afrique de l'Ouest, un autre à la commission bancaire et un dernier au conseil de politique monétaire.

Paris, de cogestionnaire à garant

L'éco conservera une parité fixe avec l'euro, ce qui garantit la même valeur de la monnaie pour les consommateurs. Cette disposition pourrait évoluer avec le temps et en fonction de la volonté des autres pays de la CEDEAO voudrait rejoindre l'éco.

Enfin, la France garde un rôle de garant en cas de crise. Si jamais les pays de la zone éco n’ont plus de quoi payer leurs importations, la France le fera. Reste que si l'on en arrive là, Paris se réserve le droit de revenir dans une instance de décision, en l’occurrence le conseil de politique monétaire.

En définitive, Paris passe d’un rôle de cogestionnaire à un rôle de garant. Mais ce faisant, la France s’est assurée de conserver une relation économique particulière avec les pays de la zone UEMOA. Paris affirme que cette évolution est rendue nécessaire par le projet de monnaie commune de la CEDEAO.

VIDEO : Du CFA à l’ECO : motion de rejet à l’Assemblée Nationale française par le Parti Communiste

VIDEO : Du CFA à l’ECO : motion de rejet à l’Assemblée Nationale française par le Parti Communiste

Fin du franc CFA : L'Afrique de l'Ouest gagne "en indépendance politique"

Par: RFI - RFI | 22 décembre, 2019 à 11:12:43  |

Fin du franc CFA : L'Afrique de l'Ouest gagne "en indépendance politique"

 

Le président ivoirien, Alassane Ouattara a annoncé ce samedi la fin prochaine du franc CFA en Afrique de l'Ouest qui sera remplacé par l'éco. Un nouvel accord monétaire en ce sens a été signé à Abidjan. Et l'éco sera rattaché à l'euro. Retrouvez notre édition spéciale dans ce papier.

Les huit pays de l'actuelle zone franc en Afrique de l'Ouest vont couper les liens techniques avec le Trésor et la Banque de France. Ils géreront eux-mêmes cette monnaie sans interférence de Paris. Mais la France continuera d'offrir des garanties en cas de crise monétaire. L'éco sera rattaché à l'euro.

La France, solide filet en cas de crise économique

"Lorsqu'on touche au monétaire, on touche au politique", affirme un économiste interrogé par RFI. En clair, dit-il, la dimension politique de passer à l'éco est essentielle et peut rendre confiance à des pays et à leur intégration.

L'éco reste arrimé à l'euro. Et la France, si elle quitte les instances de gouvernance de la monnaie ouest-africaine, demeure un solide filet en cas de crise économique et financière dans la sous-région.

"On pourrait dire que l'Afrique de l'Ouest gagne en indépendance politique, apporte du baume au cœur aux investisseurs nationaux et préserve un lien étroit avec les investisseurs étrangers", note un analyste monétaire. C'est une première étape, qui, selon cet analyste, est importante, parce que dans un premier temps, il faut se presser doucement, et dans un second temps, il ne faut pas aujourd'hui décrocher l'Afrique de l'Ouest de l'Afrique centrale.

Dans un avenir plus ou moins lointain, assure-t-il, les discussions porteront sur l'éco, non plus rattaché au seul euro, mais aussi à d'autres monnaies.

La fin du franc CFA ne va rien changer au quotidien

"C'est une étape dans la bonne direction parce que cela clarifie le débat. Les Français ne sont plus dans les organes de gouvernance. Nous choisissons une parité fixe arrimée sur l'euro, et demandons spécifiquement à la France de garantir cette parité", explique Abdourahmane Sarr, économiste sénégalais, président du Centre de financement du développement économique local (Cefdel).

Pour lui, la fin du franc CFA est d'abord un moyen de dépassionner le débat autour de la monnaie unique arrimée à l'euro. "La discussion maintenant va changer. Ce sera: est-ce que cet arrimage et cette garantie sont quelque chose de bien ou pas pour l'économie ? À ce moment-là, les économistes pourront débattre sans que le débat ne soit pollué par des questions qui dans le fond ne sont pas très importantes", analyse-t-il.

L'économiste sénégalais affirme que la fin du franc CFA ne va rien changer au quotidien "à part le fait que la perception d'ingérence de représentants de la France dans les organes de gouvernance ne sera plus là. Mais dans le fond, rien n'a changé".

 

Comprendre le remplacement du Franc CFA par l'éco

Par: Seneweb News - Seneweb.com | 23 décembre, 2019

 

VIDEO:

https://www.seneweb.com/news/Video/comprendre-le-remplacement-du-franc-cfa-_n_304216.html

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Communiqué des intellectuels africains sur les réformes du Franc CFA

Par Kady KONATE - AfrikMag

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Les reformes du Franc CFA annoncées le 21 décembre en Côte d’Ivoire creusent jusqu’alors des débats en trombe déconcertants cristallisant les opinions publiques africaines. Nous publions ci-dessous la déclaration intégrale d’un collectif des figures d’intellectuels historiques .

« Le 21 décembre 2019, le président ivoirien Alassane Ouattara et son homologue français Emmanuel Macron ont annoncé trois réformes du franc CFA, la monnaie coloniale créée le 26 décembre 1945 et qui circule encore dans quatorze pays africains dont les huit de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). 

Les réformes prévues sont les suivantes : le franc CFA de l’Afrique de l’ouest sera renommé ECO ; la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest (BCEAO) ne sera plus dans l’obligation de déposer ses réserves de change auprès du Trésor français ; la France n’aura plus de représentants au sein des organes de la BCEAO.

Nous précisons que ces évolutions ne résultent pas de la bienveillance du gouvernement français et de son allié ivoirien, eux qui ont longtemps défendu le statu quo. Le déclencheur a plutôt été la mobilisation pour l’abolition du franc CFA, portée depuis quelques années par des mouvements sociaux panafricanistes, des intellectuels, des citoyens ordinaires, etc. dans le continent et dans la diaspora. C’est donc l’occasion de féliciter et d’encourager ceux et celles qui œuvrent sans relâche à l’émancipation collective de l’Afrique. 

Il serait cependant prématuré de crier victoire. Si certains symboles gênants, associés au franc CFA, vont disparaître, les liens de subordination monétaire sur le plan légal et sur le plan de la conduite de la politique monétaire restent en place.

Tout d’abord, la France maintient toujours le rôle officiel de garant ; un rôle, il faut le souligner, qu’elle n’a jamais vraiment exercé pour la simple raison que ce sont les Africains eux-mêmes et les ressources à leur disposition qui ont toujours permis l’émission et la convertibilité du franc CFA.

Ensuite, la Banque de France abrite toujours l’essentiel du stock d’or monétaire des pays de l’UEMOA. Enfin, la parité du franc CFA vis-à-vis de l’euro est toujours maintenue. Ce qui est une façon non seulement d’accorder une préférence commerciale à la zone euro mais également de soumettre la politique monétaire des pays de l’UEMOA à celle de la Banque centrale européenne (BCE).

Par ailleurs, l’annonce que le franc CFA  sera renommé « ECO » laisse perplexe. Rappelons que ECO est le nom retenu, en juin 2019, à Abuja, par les  quinze pays de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest) pour désigner la monnaie unique régionale ouest-africaine en gestation. Ce projet a été initié au sein de la CEDEAO depuis 1983 et sa mise en œuvre a fait entretemps l’objet de plusieurs reports. 

Pourquoi donc les pays de l’UEMOA devraient-ils s’arroger le droit de rebaptiser ECO le franc CFA alors qu’ils n’ont pas encore tous rempli les critères d’entrée dans la zone monétaire ECO définis au sein de la CEDEAO ? Comment comprendre cette déclaration hâtive de Macron et Ouattara qui maintient la France en tant que prétendu « garant » du franc CFA renommé ECO, ainsi que la parité fixe avec l’euro alors que la CEDEAO requiert pour le lancement de sa monnaie unique le retrait total de la France de la gestion monétaire des pays de l’UEMOA ?

Sans mentionner que la CEDEAO a fait le choix d’adosser sa monnaie à un panier de devises.nNe faudrait-il pas craindre une tentative de sabotage surtout au regard de la volonté maintes fois exprimée par le gouvernement français d’élargir l’usage du franc CFA aux pays anglophones ouest-africains et d’isoler le Nigeria ?

Devant la confusion actuelle, amplifiée plutôt que dissipée par les différents communiqués de la CEDEAO, de la BCEAO, de la République du Nigeria, de la République du Ghana, etc. nous invitons les citoyens des États membres de la CEDEAO à faire preuve de plus de vigilance concernant les récents développements liés au franc CFA et à l’ECO. 

S’il faut saluer l’émergence d’un débat public, porté par des intellectuels et acteurs de la société civile en Afrique, sur la question du franc CFA, nous devons en même temps déplorer le mutisme inquiétant de nos chefs d’État et de gouvernement sur une question aussi importante sur le plan symbolique, politique, économique et psychosociologique. 

Face au déficit de communication des gouvernements africains sur un sujet qui engage l’avenir de plus de 300 millions d’habitants en Afrique de l’ouest et celui de l’intégration régionale, nous demandons :

– Aux chefs d’État de l’UEMOA et de la CEDEAO de prendre leurs responsabilités auprès de leurs peuples respectifs en ouvrant un débat populaire et inclusif sur les réformes en cours. En effet, la souveraineté est d’abord l’affaire des peuples qui, il faut le rappeler à nouveau, ont de leur propre initiative posé le débat sur le franc CFA et sur la souveraineté monétaire de l’Afrique de l’ouest.

– Aux chefs d’État de l’UEMOA d’informer clairement leurs concitoyens sur les surprenantes déclarations d’Alassane Ouattara et d’Emmanuel Macron qui semblent les engager, sans qu’ils aient eu encore à en référer à leur parlement et aux autres institutions républicaines pertinentes.

– Aux spécialistes des questions économiques et monétaires au sein de la CEDEAO, de l’UEMOA et de la BCEAO de participer activement au débat public sur les reformes en question, en confrontant leurs propositions aux objections soulevées par des chercheurs et leaders indépendants de la société civile.

– Aux peuples des États membres de la CEDEAO de rester  mobilisés dans le débat citoyen enclenché sur la sortie définitive de la France de la gestion monétaire de nos États et sur l’adoption de systèmes monétaires souverains au service des peuples et qui s’inscrivent dans la dynamique de mise en place d’une Fédération des États de l’Afrique de l’ouest.

Nous réaffirmons que la question de la monnaie est fondamentalement politique et que la réponse ne peut être principalement technique. Instrument et symbole de souveraineté, la monnaie doit être l’émanation des aspirations profondes des peuples d’Afrique qui doivent être en permanence associés aux processus en cours.

A cet égard, nous sommes d’avis que les critères de convergence ne constituent pas une approche appropriée. Ils doivent être revus et éventuellement remplacés par des indicateurs de nature plus politique prenant en compte les défis de l’heure : l’industrialisation, l’autonomisation des producteurs locaux, la compétitivité des entreprises nationales de la zone CEDEAO, le plein emploi et la transformation écologique. 

Si nous aspirons à une souveraineté économique et monétaire de la CEDEAO, c’est parce qu’elle est la voie royale pour mettre fin à l’extraversion économique, à l’endettement en devises étrangères,  aux flux financiers illicites et aux autres facteurs contribuant à des formes de croissance économique non inclusive. 

Fait à Dakar, le 06 janvier 2020

Listes des noms de personnalités qui ont signé le texte :

Makhily Gassama, Essayiste, Ancien Ministre Ancien Ambassadeur (Sénégal)

Boubacar Boris Diop, Écrivain (Sénégal)

Aminata Dramane Traoré, Écrivaine, ancienne Ministre de la Culture et Présidente du Groupe « États généraux du franc CFA et des Alternatives » (Mali)

Mariam Sankara, Économiste (Burkina Faso)

Odile Sankara, Artiste, Comédienne (Burkina Faso)

Odile Tobner, Universitaire, Essayiste (Cameroun)

Koulsy Lamko, Universitaire, Ecrivain, (Tchad / Mexique)

Mamadou Koulibaly, Economiste et homme politique (Côte d’Ivoire)

Mamadou Diop Decroix, Ancien Ministre d’Etat, Secrétaire du Parti Africain pour la Démocratie et le Socialisme (Sénégal)

Rosa Amelia​Plumelle-uribe, Essayiste, « militante pour la dignité humaine » (France)

Tony Obeng, Analyste des questions de développement, ancien Professeur à l’IDEP ? Diplomate à la retraite (Ghana) 

Stanislas Spero Adotevi, Universitaire, Essayiste, Ancien Directeur régional de l’UNICEF (Bénin / Burkina Faso

Nathalie Yamb, femme politique et consultante (Côte d’Ivoire)

Bouchentouf-Siagh Zohra, Universitaire, Essayiste (Algérie / Autriche)

Véronique Tadjo, Écrivaine, Universitaire (Côte d’Ivoire / Afrique du Sud)

Ibrahim Abdullah, Professeur d’Histoire (Sierra Leone)

Cheick Oumar Sissoko, Cinéaste et ancien Ministre (Mali)

Antonin Zigoli, Universitaire, Université Félix Houphouët Boigny (Côte d’Ivoire)

Ndongo Samba Sylla, Économiste et écrivain (Sénégal)

Issa N’diaye, Philosophe et ancien Ministre (Mali)

Elimane Haby Kane, Sociologue (Sénégal)

Ngaba Ngadoy, Économiste et Financier (Tchad)

Rahmane Idrissa, Politiste (Pays Bas, Niger)

Amadou Tidiane Wone, Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur (Sénégal)

Adama Samaké, Universitaire, Université Félix Houphouët Boigny (Côte d’Ivoire)

Mamadou Diop, Ancien Haut fonctionnaire, Essayiste (Sénégal)

Dialo Diop, Médecin biologiste et homme politique (Sénégal)

Cheikh Hamala Diop, Économiste et interprète de conférence (Sénégal)

Sandjiman Mamder, Économiste, Haut fonctionnaire à la retraite, BIT/ONU (Tchad / Genève)

Raphaël Eklunatey, Biologiste (Togo / Genève)

Martin Bire, Spécialiste en Education (Tchad / Prague)

Mouhamed Ly, Anthropologue (Sénégal)

Crystal Simeoni, Économiste féministe (Kenya)

Cheikh Oumar Diagne, Économiste (Sénégal)

Amadou Elimane Kane, Écrivain et Poète (Sénégal) 

Coumba Touré, Coordinatrice Africans Rising (Sénégal)

Jibrin Ibrahim, Chercheur au Centre for Democracy and Development (Nigeria)

Elom 20ce, Artiste et Rappeur (Togo)

Redge Nkosi, Économiste (Afrique du Sud)

Ismail Rashid, Historien (Sierra Leone / USA)

Amy Niang, Universitaire (Afrique du Sud)

Mouhamadou Lamine Sagna, Anthropologue (Nigeria / Sénégal)

Many Camara, Sociologue (Mali) 

Versa Mshana, Avocate (Tanzanie)

Mahmoud Ibrahime, Historien (Comores)

Carlos Vamain, Jurisconsulte, Ancien Ministre (Guinée-Bissau)

George Klay Kieh, Jr., Universitaire (Libéria)

Momar Sokhna Diop, Professeur d’Économie et de gestion, Écrivain (Sénégal / France)

Cheikh Gueye, Géographe et Secrétaire permanent du Rapport Alternatif sur l’Afrique (Sénégal)

Lionel Zevounou, Maître de conférences en droit public (France)

Mouhamadou Ngouda Mboup, Enseignant-Chercheur en droit public (Sénégal)

Luc Damida, Chercheur ( Burkina Faso)

Source: financialafrik

L’article Communiqué des intellectuels africains sur les réformes du Franc CFA est apparu en premier sur AfrikMag.

 

Le franc CFA, toute une histoire

Par: Par Sabine Cessou - RFI | 24 décembre, 2019

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Le franc CFA, toute une histoire

 

Le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé, ce 21 décembre, aux côtés d'Emmanuel Macron, la disparition prochaine du FCFA au profit de l'éco, en Afrique de l'Ouest. La devise créée en 1945 par la France dans les deux régions africaines de son empire colonial circule dans 14 pays d'Afrique de l'Ouest et centrale qui forment la "zone franc", en plus des Comores. Soit 173 millions d'habitants. Depuis les indépendances, elle a évolué en ne cessant de faire débat.

Le franc des Colonies françaises d'Afrique (CFA) est né par décret, en même temps que celui des Colonies françaises du Pacifique (CFP, Indochine), le 25 décembre 1945. Ce jour-là, le gouvernement provisoire de la France dirigé par le général de Gaulle ratifie les accords de Bretton Woods. Il fait sa première déclaration de parité franc-dollar au tout nouveau Fonds monétaire international (FMI). Il s'agit d'une mesure technique sans grand débat, comme le signale l'intitulé du décret, "fixant la valeur de certaines monnaies des territoires d'outre-mer libellées en francs".

La "zone franc" créée de facto par la France avec ses colonies, où elle émet localement des monnaies qui portent le nom de "franc", a déjà été officialisée en 1939, par le biais d'un autre décret instaurant le contrôle des changes en métropole et "Outre-Mer". Cette zone se trouve scindée en deux en 1945 : l'inflation a été moins forte dans les colonies durant la Seconde Guerre mondiale que dans la métropole. Du coup, lors de sa création, le franc CFA est plus fort que le franc français (FF), puisqu'il vaut 1,70 FF. Il repose sur quatre grands principes : parité fixe garantie par le Trésor public français, convertibilité et liberté des flux de capitaux dans la zone franc, en plus de la centralisation des réserves de devises des instituts d'émissions locaux, déposées auprès du Trésor public français. Lorsque le franc français est dévalué le 17 octobre 1948 par rapport au dollar, la valeur du CFA se renforce encore, de manière mécanique. Elle passe à 2 FF.

Les indépendances

Au moment des Indépendances, les choses se compliquent. En 1954, l'Indochine disparaît et avec elle le CFP. Le Vietnam, le Laos et le Cambodge vont créer leurs devises respectives, le dong, le kip et le riel. Le Maroc et la Tunisie, indépendants en 1955 et 1956, remplacent les francs "tunisien" et "marocain", l'un en restaurant le dirham en 1959, l'autre en frappant sa monnaie, le dinar, en 1958. L'Algérie, colonie française de peuplement où le franc français se trouve en circulation, instaure le dinar en 1964, deux ans après son indépendance.

En 1958, le "non" de la Guinée de Sékou Touré à l'Union française proposée par De Gaulle signifie une sortie de la zone franc, accomplie en 1960 avec la création d'un "franc guinéen". Cette devise coupe les ponts avec l'ex-métropole, contrairement à ce que laisse supposer son nom. Au Mali de Modibo Keïta, le Parlement refuse de signer en mai 1962 le traité portant création de l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA), qui deviendra l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), en 1994. Le pays sort dans la foulée de la zone franc et fait fabriquer le "franc malien" en Tchécoslovaquie. Il rejoindra la zone franc bien plus tard, en 1984. Quant au président du Togo fraîchement indépendant, Sylvanus Olympio, il rejette aussi le traité UMOA et entend battre monnaie. Il est assassiné le 13 janvier 1963, dans des conditions restées mystérieuses, au moment où sont publiés les statuts d'une Banque centrale togolaise qui ne verra pas le jour.

De son côté, le CFA ne change pas d'acronyme, mais devient en 1958 le franc de la "Communauté française d'Afrique". Après les indépendances, en 1962, son "F" correspond plutôt à "la Communauté financière d'Afrique" dans l'UMOA (Côte d'Ivoire, Dahomey, Haute-Volta, Niger, Sénégal, Togo). Nuance : le même franc est celui de la "Coopération financière en Afrique centrale" pour les membres de l'Union monétaire de l'Afrique centrale (UMAC), Cameroun, Gabon, Congo-Brazzaville, République centrafricaine et Tchad. Si l'on parle de CFA partout, la devise est scindée en deux, chaque région ayant son code ISO international, XOF et XAF. Les deux CFA sont convertibles avec toutes les devises, ainsi qu'entre eux. Le franc comorien (KMF) fait partie de la famille, en tant que cousin éloigné de la zone franc.

Nouveau franc français et vent de fronde

Lorsque le nouveau franc français est mis en circulation le 1er janvier 1960 par le général De Gaulle, pour une valeur de 100 anciens francs, le CFA change encore mécaniquement de valeur, passant de 2 à 0,02 FF. Les critiques de la période des indépendances vont ressurgir. L'économiste égyptien Samir Amin préconise en 1969, dans un rapport qui porte son nom, le passage à des monnaies nationales, avec le CFA comme monnaie commune et non plus unique. Il reprend des recommandations déjà faites en 1960 par le Sénégalais Daniel Cabou, gouverneur de Saint-Louis, qui plaidait pour une "union africaine des paiements".

Un mouvement de fronde part de la fin de la convertibilité du dollar en or, décidée par Nixon en août 1971, mettant fin au régime de change fixe hérité de Bretton Woods. À partir de cette date, le dollar se met à fluctuer. "Les Africains se disent qu'avec la hausse des cours des matières premières, ils perdent au change en raison de la parité fixe et non flottante du CFA par rapport au FF, explique l'économiste togolais Kako Nubukpo, de manière factuelle, sur un sujet qu'il connaît bien, étant l'un des principaux détracteurs actuels du CFA. Ils aspirent à une monnaie plus forte qui leur permettrait d'importer plus."

Le président du Niger Hamani Diori, qui avait commandé le rapport Samir Amin, est soutenu par le Congo-Brazzaville, le Cameroun et le Togo. Il demande en janvier 1972 à Georges Pompidou, son homologue français, une réforme de la zone franc. La fronde incite la Mauritanie à quitter la zone pour créer l'ouguiya, et Madagascar à renouveler l'ariary en lieu et place du franc malgache (ou "franc malgache") en mai 1973.

La révision du système CFA est accordée en décembre 1973, mais pas dans les termes préconisés par Samir Amin, auteur de L'Afrique de l'Ouest bloquée, L'économie politique de la colonisation, 1880-1970 (Éditions de minuit, Paris, 1971). La principale mesure fait passer de 100% à 65% le niveau des réserves de devises placées auprès du Trésor français. La Banque ouest-africaine de développement (BOAD) est créée, avec son siège placé à Lomé, pour faire plaisir au général Eyadéma, qui est un osé tenir tête à Pompidou sur le CFA lors d'une visite officielle, en novembre 1972. Le " rapatriement "des sièges des banques centrales africaines de la zone franc, situés rue du Colisée, dans le VIIIe arrondissement de Paris, est décidé. L'africanisation des cadres commence alors, même si physiquement, ce n'est qu '

La dévaluation du 12 janvier 1994

La Guinée équatoriale, seul pays hispanophone d'Afrique, entre dans la zone d'influence de la France et adopté le CFA en 1985, onze ans avant la découverte de ses gisements de pétrole. Sur le continent, les années 1980 sont celles de l'ajustement structurel, une mise au pas des pays endettés selon la doxa libérale en cours au FMI et à la Banque mondiale, avec dérégulation de l'économie et ouverture au libre marché. Cet effort d'ajustement réel est fait au prix de nombreux sacrifices, au lieu d'une évaluation monétaire que rejettent les chefs d'État de la zone franc. Les salaires sont bloqués, les embauches gelées dans l'administration et des coupes claires font partout, notamment dans les dépenses sociales.

La chute des cours des matières premières et la dépréciation du dollar, à partir de 1985, font que les recettes à l'exportation diminuent, mettant à mal les budgets, et par ricochet le niveau de la dette extérieure. L'échec de l'ajustement structurel conduit la France à envisager une dévaluation monétaire, sous les auspices du FMI, qui suspend son fils aide aux pays de la zone franc à partir de 1991. Dès août 1993, la convertibilité du CFA est suspendue, en raison des rumeurs de dévaluation, sur fond de fuite des capitaux hors de la zone franc. Il devient impossible de changer des CFA contre toute devise hors de la zone franc, et impossible de convertir des XOF en XAF, même dans la zone franc - une mesure contre la spéculation qui n'a jamais été levée par la suite. En septembre 1993, la "doctrine d'Abidjan", ou "

Dévaluer ou pas? Edouard Balladur est pour, mais le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny est farouchement contre. Le président français François Mitterrand écoute les deux avis, mais ne tranche pas. En décembre 1993, la mort d'Houphouët donne les mains libres aux partisans de la dévaluation. Sous couvert d'un sommet des chefs d'État de la zone franc au sujet d'Air Afrique à Dakar, une dévaluation de 50% du CFA et de 33% du franc comorien est imposée le 11 janvier 1994 à 14 chefs d'État africain, qui signent à contrecœur en présence de Michel Roussin, ministre français de la Coopération et de Michel Camdessus, directeur général du FMI. Du jour au lendemain, le CFA passe de 0,02 FF à 0,01 FF. Les populations des pays de la zone franc voient leur pouvoir d'achat divisé par deux. Des mesures d'accompagnement suivies,

Arrimage à l'euro en 1999 et polémiques

En 1997, c'est au tour de la Guinée-Bissau, ancienne colonie portugaise, entre dans la zone franc, ce qu'elle demande depuis la fin des années 1980 pour sortir de sa spirale inflationniste (45% en 1995). Au moment du traité de Maastricht, Paris a fait valoir le principe de «subsidiarité» pour continuer à gérer la zone franc, qu'elle ne peut plus réformer, en principe, sans consulter ses partenaires européens. Que signifie la subsidiarité? "La responsabilité d'une action publique, dès que nécessaire, revient à l'entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action", renseigne Wikipédia. Le principal argument de la France en faveur du CFA: la stabilité économique et l'assurance d'une bonne gestion,

Les débats, portés entre autres par des économistes africains tels que Kako Nubukpo et Mamadou Koulibaly, opposant ivoirien, ont gagné en intensité en 2015, dans un contexte de croissance non inclusif en Afrique et de crise en Europe (dette publique en Grèce, campagne du Brexit). Ces économistes estiment que le CFA est trop fort, par rapport à la faiblesse des économies où il circule, et qu'il pénalise les exportations. Reprise par les tenants d'un certain nationalisme africain comme Kemi Seba, qui a brûlé un billet de FCFA en septembre 2017, la polémique ne fait qu'enfler, alors qu'elle ne devrait, en toute logique, ne pas avoir de raison d 'être. Le sociologue sénégalais Lamine Sagna, spécialiste de l'argent, rappelle en effet que ces débats vont devenir caducs avec l'adoption de la monnaie commune ouest-africaine, l'éco, prévu par la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest pour 2020. Ce 21 décembre, le président Ouattara a donc annoncé, en présence du chef de l'État français Emmanuel Macron, que l'éco remplacera le FCFA prochainement en Afrique de l'Ouest. Les huit pays de l'actuelle zone franc dans cette partie du continent vont, par ailleurs, couper les liens techniques avec le Trésor et la Banque de France, ils gèrent eux-mêmes cette monnaie sans interférence de la France.

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Cheikh Hamidou Kane : « L’Afrique n’existe plus, elle a été dépossédée de son espace »

LE MONDE a publié: Réflexions d’un grand témoin de notre époque: M. Cheikh Hamidou KANE

Cheikh Hamidou Kane

 L’Aventure ambiguë

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  • Source: : Le Monde | Le 30 décembre, 2018

     

    Cheikh Hamidou Kane : « L’Afrique n’existe plus, elle a été dépossédée de son espace »

    L’auteur sénégalais de « L’Aventure ambiguë », 90 ans, revient sur l’histoire contemporaine du continent, marquée par des questionnements et des tourments identitaires.

    C’est l’un des paradoxes de Cheikh Hamidou Kane. En cinquante-sept ans de carrière, l’écrivain sénégalais n’a publié que deux romans – L’Aventure ambiguë, en 1961, et Les Gardiens du temple, en 1995 –, devenus des classiques, traduits dans une dizaine de langues et inscrits au programme de nombreuses écoles et universités. Ils relatent le malaise des élites africaines désorientées par la colonisation française. Né en 1928 à Matam, sur les bords du fleuve Sénégal, Cheikh Hamidou Kane a traversé l’histoire contemporaine du continent, marquée par des questionnements et des tourments identitaires. Dans L’Aventure ambiguë, Samba Diallo, fils de notables peuls élevé dans la plus pure tradition coranique du pays des Diallobé – une nation fictive qui ressemble à s’y méprendre au Fouta Toro, région du nord du Sénégal –, est envoyé à « l’école des Blancs » pour y apprendre « comment on peut vaincre sans avoir raison ». Il sortira ébranlé de cette expérience intérieure d’une grande violence. La puissance de ce roman philosophique, en partie autobiographique, grand prix littéraire d’Afrique noire en 1962, reste d’actualité. L’Aventure ambiguë est l’ouvrage de référence pour qui continue de s’interroger sur les identités africaines et afrodescendantes percutées par la « rencontre » avec l’Occident. Peut-on lier les cultures africaines au legs colonial et en sortir indemne ? Comment tirer le meilleur de ce choc identitaire ? Témoin et un acteur privilégié de la marche des anciennes colonies françaises vers l’indépendance, Cheikh Hamidou Kane a été ministre sous Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, puis haut fonctionnaire de l’Unicef dans différentes capitales africaines. Retiré de la vie publique depuis plusieurs décennies, l’écrivain consacre désormais ses journées à la prière, à l’écriture et à « l’éducation morale » de ses petits-enfants. C’est dans sa villa dakaroise qu’il a reçu Le Monde Afrique. A 90 ans, il a la démarche hésitante, mais son regard sur le monde reste pétillant. Il s’est confié sur son enfance marquée par le racisme, sa fascination pour la culture française, ses rêves panafricanistes et avoue avoir adoré le dernier opus des studios Marvel, Black Panther.

    Vous venez de fêter vos 90 ans. Comment vous portez-vous ?

    Cheikh Hamidou Kane: J’ai les handicaps de mon âge. Mon acuité auditive et visuelle s’est affaiblie. Pour le reste, Dieu merci, je vais bien.

    Vous êtes né pendant la colonisation au Sénégal. Comment, enfant, ressentiez-vous la présence du colon français ?

    Lorsque j’étais enfant, j’ai connu l’humiliation que peuvent ressentir tous ceux qui voulaient accéder au même niveau de connaissance que les Blancs alors même qu’ils avaient en face d’eux des gens qui les méprisaient. Les colons ont tenté de nous faire admettre que nous étions des êtres inférieurs, incapables de faire autant sinon mieux qu’eux. Ils ne s’opposaient pas au fait que des « indigènes » aillent dans leurs écoles, mais ils nourrissaient pour nous des ambitions limitées. Nous étions programmés pour devenir des auxiliaires, pas au-delà ! On pouvait ainsi devenir infirmier, mais pas docteur en médecine.

    Vous avez refusé d’obtempérer. Vous vouliez devenir philosophe…

    C’était mon choix depuis l’école primaire. Dans l’esprit des enseignants blancs, c’était inconcevable. J’ai dû, tout au long de ma scolarité, me battre. En 1942, j’ai voulu entrer au lycée Faidherbe de Saint-Louis, qui était en principe réservé aux fils de colons. Seuls quelques Africains fortunés pouvaient y envoyer leurs enfants. Ma famille n’était pas nantie. J’ai donc fini à l’Ecole des fils de chefs, qu’on appelait aussi l’école des otages, où étaient envoyés les fils de notables. On nous y apprenait à devenir de parfaits chefs de canton.

    Vous êtes l’un des premiers fils de notables religieux à avoir été envoyé à l’école française. Pourquoi votre famille a-t-elle fait ce choix ?

    C’est grâce à l’action de l’un de mes ancêtres, Alpha Ciré Diallo, un homme exceptionnel. Alors que le débat entre les pro- et anti-école française faisait rage dans son village, il fut l’un des premiers à avoir compris qu’il n’y avait pas de risque à scolariser ses enfants. A condition, disait-il, de les éduquer soigneusement d’abord dans l’islam et les valeurs peules que sont le sens de l’honneur, la pratique religieuse et la solidarité familiale : « Rewdé Allah, djokude endaam » en peul. Cette double éducation faisait, selon lui, office de protection et d’armure. Ses propres enfants ont fini dans l’armée coloniale, d’autres sont devenus interprètes. Il avait confiance en son héritage culturel. Je suis le produit du combat de cet ancêtre visionnaire.

    A l’école, vous vous faites remarquer…
    Nous étions sept « fils de chefs » dans ma promotion. A la fin du cycle d’études, nous devions passer par la ferme agricole et devenir chefs de canton. J’ai refusé d’y aller. Je rêvais toujours du lycée Faidherbe. Furieux, le directeur de l’école a convoqué l’un de mes oncles qui était greffier. Il lui a expliqué sans ménagement et avec un ton méprisant que mes ambitions étaient prétentieuses. Que l’on ne m’avait pas formé pour ça ! Mais j’ai tenu bon. Mon père m’a inscrit au lycée Van Vollenhoven, à Dakar. Mes condisciples africains m’ont désigné pour être leur représentant au conseil de discipline du lycée, composé en majorité de Blancs.

    Comment vous êtes-vous retrouvé à la Sorbonne ?

    Je rêvais d’être professeur de philosophie, la Sorbonne était donc un objectif. Mais je n’avais pas les moyens d’aller en France. J’ai donc écrit au gouverneur du Sénégal, qui pour la première fois était un Noir antillais, pour obtenir une bourse. Et il me l’a octroyée ! J’ai intégré une classe préparatoire au lycée Louis-le-Grand, puis j’ai étudié la philosophie et le droit à la Sorbonne.

    Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans cette prestigieuse université ?
    J’ai eu confirmation des qualités fondamentales de la civilisation occidentale, occultées jusque-là à mes yeux par la face sombre du colonialisme. Je subodorais ces qualités, mais le comportement brutal des colons au Sénégal m’en faisait douter. Mes condisciples et mes professeurs français étaient d’une grande ouverture d’esprit. Ma foi musulmane s’est aussi nourrie des débats philosophiques de l’époque – l’existentialisme de Jean-Paul Sartre et la pensée chrétienne de Paul Ricœur.

    Paris était aussi au cœur des luttes indépendantistes et des mouvements littéraires comme la négritude. Où vous situiez-vous ?

    J’ai dû, comme tout étudiant africain à l’époque, militer, prendre position. Les leaders plus populaires étaient les marxistes du Parti africain de l’indépendance, de Majhemout Diop, et les nationalistes regroupés autour de Cheikh Anta Diop. Je n’étais pas partisan du marxisme, incompatible avec ma foi religieuse. J’étais plus sensible aux idées de Cheikh Anta Diop, que je connaissais personnellement, mais son parti était alors peu structuré. C’est finalement Joseph Ki-Zerbo qui m’a séduit. Ce Voltaïque [de Haute-Volta, ancienne appellation du Burkina Faso], catholique, professeur agrégé d’histoire, était très actif dans le mouvement des jeunesses chrétiennes de France. Il a créé le Mouvement de libération nationale. J’adhérais entièrement aux mots d’ordre, qui étaient indépendance de l’Afrique, Etats-Unis d’Afrique et socialisme africain.

    La négritude d’Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas représentait aussi un courant d’idée puissant, mais vous vous en teniez à distance. Pourquoi ?
    J’adhérais à la révolte qu’exprimait ce mouvement. Le Cahier d’un retour au pays natal de Césaire, que j’ai lu à 16 ans, m’a profondément marqué. Cependant j’étais moins convaincu par la position de Senghor, moins radicale dans la dénonciation du mépris de l’homme blanc pour les Noirs.

    Dans L’Aventure ambiguë, les habitants du pays des Diallobé craignent que leurs enfants perdent leur identité en allant à l’école des Blancs. Ils se demandent si « ce qu’ils apprendront vaut ce qu’ils oublieront ». Avez-vous aujourd’hui une réponse à cette question fondamentale ?
    Je la donne dans mon second roman, Les Gardiens du temple, paru en 1995 mais rédigé dès 1963. Le personnage principal, qui est en quelque sorte Samba Diallo ressuscité, a reçu une solide éducation religieuse musulmane et est enraciné dans les valeurs des Diallobé. Après de brillantes études à l’école française, il devient ingénieur agronome. Il a appris les techniques modernes indispensables pour construire le nouveau pays indépendant. Il a donc réussi à allier sa culture religieuse traditionnelle à ce qu’il a appris au contact de la civilisation occidentale.

    Pourtant, l’aventure de Samba Diallo, tiraillé entre sa terre natale et l’Occident, finit mal. Comment interpréter, au plan symbolique, la mort du héros de votre roman ?

    Certains lecteurs ont cru à tort que je voulais, par cette mort, montrer l’impossible conciliation entre nos cultures africaines et la civilisation occidentale, que l’issue ne pouvait être que tragique. Il n’en est rien. J’ai fait mourir Samba Diallo des mains du Fou pour montrer à quel point l’itinéraire des Africains à la rencontre de l’Occident était risqué. Ce parcours peut être contrarié par des extrémismes religieux et culturels. Je pressentais, déjà à l’époque, que certains pouvaient vouloir imposer leur façon de croire et de pratiquer la religion, au besoin par la force. C’est ce que représente le Fou dans L’Aventure ambiguë.

    Vous avez vous-même vécu cette aventure pour le moins ambiguë entre l’Afrique et la France. Qu’en avez-vous retiré ?
    J’ai survécu à ce périple. J’ai appris que, contrairement à ce que voulait faire croire le colon raciste, les cultures africaines et européennes ont beaucoup de choses en commun. Ma génération et celle de Senghor ont prouvé qu’on pouvait accéder au niveau le plus élevé du savoir des Blancs. Après mes études, je suis revenu sur le continent avec l’espoir d’un monde partagé et équitable. C’est ce qu’exprime le personnage du Chevalier à la dalmatique dans le roman : « Nous les Noirs, nous les Arabes, nous les Asiatiques, c’est un monde qui est possible. Nous devons l’édifier. Il ne faut pas que ce soit un monde imaginé, dirigé par le seul Occident. »

    Près de soixante ans après les indépendances, le monde de partage n’a toujours pas surgi…

    Il faut poursuivre le travail entamé. Rome n’a pas été construite en un jour ! L’Afrique, comme disait Ki-Zerbo, a été victime d’une dépossession de son espace – ses empires ont été dépecés en une cinquantaine de territoires, au profit des colonisateurs. L’Afrique n’existe plus. Elle a perdu son initiative politique et son identité endogène. A l’école, ce sont les langues du colon qui sont enseignées. La législation, l’organisation sociale et familiale sont calquées sur celles de l’Occident. Il faut donc que l’Afrique redevienne elle-même en se basant sur les structures antérieures à la colonisation.Par exemple, la charte du Mandé, élaborée en 1236 dans l’empire du Mali, peut redéfinir notre organisation et nos institutions. Elle régit les relations familiales, prône les valeurs de respect, de solidarité et permet la diversité. Il existait une vraie citoyenneté ouest-africaine dans l’empire du Mali. Les habitants pouvaient circuler d’un endroit à un autre en changeant de patronyme. Un Mandingue qui s’appelle Diarra, une fois chez les Wolofs, prenait le nom de Ndiaye ou Diatta. Cela permettait une coexistence harmonieuse entre les communautés. Nous pouvons reprendre ce modèle, pas besoin de chercher ailleurs.

    Le passé glorieux que vous décrivez a disparu. N’est-il pas utopique de vouloir y revenir ?
    Je ne préconise pas un retour au passé, mais un recours au passé. Nous devons nous inspirer de l’héritage de nos ancêtres. La réappropriation de notre identité endogène passe par cette démarche.

    C’est aussi de la responsabilité des dirigeants africains…

    Les jeunes doivent au plus vite s’emparer de ce sujet. Ils doivent se battre pour créer au sud du Sahara un espace géopolitique et économique autonome. Et l’imposer aux dirigeants actuels qui ne comprennent pas que leurs pouvoirs ne sont, comme le disait Senghor quand il luttait contre la balkanisation, « que des joujoux et des sucettes ». Quel poids peut avoir le continent dans l’économie mondiale s’il est divisé, morcelé ? L’Afrique est le continent le plus riche en ressources naturelles dont a besoin l’ensemble de la planète. Comment voulez-vous que nous les défendions et que nous les échangions à leur juste prix si nous le faisons en ordre dispersé ? S’il y avait une autorité commune pour gérer par exemple les ressources pétrolières, l’Afrique aurait plus de poids sur la scène internationale.

    Vous avez été plusieurs fois ministre. Pourquoi votre génération n’a pas réussi à créer cette unité africaine ?

    Le colonisateur a bien manœuvré. Par exemple, Félix Houphouët-Boigny, fervent opposant au travail forcé avant l’indépendance, représentait une menace pour la France. Il s’était allié aux communistes français au Parlement, où il siégeait comme représentant de la Côte d’Ivoire. Il a commencé à mener un combat qui aurait pu aboutir à une guerre aussi meurtrière qu’en Algérie ou au Vietnam. Les Français l’ont alors retourné en lui promettant la présidence d’une Côte d’Ivoire autonome. Il a reçu les premiers honneurs à Paris en acceptant un strapontin de ministre d’Etat. Puis, en octroyant l’indépendance séparément aux treize territoires membres de l’AOF [Afrique occidentale française] et de l’AEF [Afrique équatoriale française], le colonisateur a fait disparaître des ensembles qui auraient pu servir de base à l’édification des Etats-Unis d’Afrique. Les Africains se sont laissés prendre au piège.

    Que vous inspire le climat politique délétère au Sénégal, marqué par une forte contestation du régime du président Macky Sall ?
    Malgré les tensions actuelles, il faut savoir reconnaître les mérites de « l’exception sénégalaise ». La coexistence entre l’islam, le christianisme et les autres confessions est harmonieuse. Et c’est grâce à un islam imprégné de valeurs traditionnelles. Le Sénégal jouit d’une culture démocratique ancienne. Depuis Blaise Diagne [premier député élu à la Chambre des députés français en 1914], nous votons. Depuis plus d’un siècle, les Sénégalais savent ce qu’est un parti politique, une élection, le choix des leaders politiques.

    Vous écrivez toujours ?
    Je travaille à un projet qui me tient à cœur depuis un moment. Je veux retracer l’épopée de l’empire du Mali fondé par Soundjata Keïta. Elle a donné naissance à la charte du Mandé. J’aimerais rappeler cette page d’histoire à la jeunesse africaine et au monde. J’ai réuni autour du projet des artistes comme Youssou Ndour, des intellectuels, des écrivains, des griots traditionnels ressortissants de l’espace de l’ancien empire du Mali. Je veux faire un film d’animation avec des effets spéciaux pour illustrer l’univers mystique de l’empereur Soundjata Keïta. Selon la tradition, il avait des pouvoirs magiques comme le don d’ubiquité. Il pouvait être à plusieurs endroits en même temps. J’ai vu quelques films, dont récemment Black Panther, qui m’ont fait penser que cela était faisable.

    Vous avez aimé Black Panther ?

    J’ai adoré l’idée d’un royaume africain puissant avec ses propres paradigmes. La voix de Baaba Maal [chanteur sénégalais] est parfaitement utilisée. Maintenant que je vais mieux, j’espère pouvoir aller au bout de mon projet.

     

    Auteur: Propos recueillis par Coumba Kane - Le Monde